anatole jakovsky (1907/1909 ? â 1983) - Bibliothèque Kandinsky
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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />
JAKOVSKY Anatole, La peinture naïve, Paris, Jacques Damase éd., 1949, 90 p.<br />
Constitué de courtes monographies, ce texte constitue le prologue de l’ouvrage. Anatole<br />
Jakovsky se pose en tant qu’historiographe et tente de commenter l’apparition et les<br />
manifestations de la peinture naïve en France.<br />
Jamais, depuis la chute de l’Absolutisme et la fameuse, bien qu’oubliée, supercherie<br />
des « Chants d’Ossian », on n’a recherché aussi avidement à se retremper dans ce bain de<br />
Jouvence qu’est la poésie pure et directe des premiers âges de l’homme. Et si ce n’est pas<br />
toujours la pureté du sentiment que l’on y chercha, du moins c’est celle de la forme ; celle de<br />
l’écriture au pis-aller.<br />
La vogue et l’intérêt subit pour les dessins d’enfants, l’art nègre, les arts primitifs,<br />
archaïques ou populaires, ainsi que pour l’art à l’état brut ne s’expliquent pas autrement.<br />
Toutes les époques de transition et de rénovation s’abreuvent, sinon tendent à s’abreuver, à<br />
cette source vive et féconde qu’est la poésie populaire. Or, la peinture naïve en est une. On<br />
dirait même que chaque fois lorsque le monde change de mains et, par conséquent, la vie de<br />
miroir, on veut que ce miroir soit absolument pur : qu’aucun style, qu’aucune convention du<br />
proche passé ne le marque, ne l’entache. Aussi la peinture naïve pourrait, à la rigueur, en être<br />
un.<br />
C’est pourquoi j’ai accepté, une fois de plus, de mettre un peu plus de clarté dans le<br />
problème naïf, s’il y a toutefois problème naïf. Certes, il est bien difficile de l’aborder ici dans<br />
toute sa complexité, vu la confusion voulue ou l’ignorance pure et simple qui règne dans ce<br />
domaine. Les appellations génériques, créées pour désigner les peintres qui pratiquent ce<br />
genre de peinture tels que les « Naïfs », les « Instinctifs », les « Néo-Primitifs », les « Peintres<br />
du Cœur-Sacré », les «Peintres du Dimanche », ou pis encore, les « Maîtres populaires de la<br />
Réalité », ne manquent évidemment pas, mais elles ne sont faites, hélas !, que pour<br />
l’embrouiller davantage. Mais il apparaît de plus en plus clairement que toutes ces<br />
« appellations contrôlées » ne tiennent plus et que tous ces échafaudages soigneusement<br />
élaborés de concert par les marchands et quelques journalistes complaisants d’entre-deuxguerres<br />
s’effritent et, petit à petit, s’écroulent. Il apparaît donc, d’ores te déjà, qu’il y a bien<br />
plus de naïfs que l’on ne pense généralement et qu’il n’y a pas plus de « maîtres » que d’élus<br />
du « Cœur Sacré ». Ils le sont tous. Plus ou moins. Leur venue et leur œuvre dans tous les cas,<br />
n’ont rien de providentiel. Pourquoi alors cette idolâtrie de certains ? Pourquoi vouloir<br />
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