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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

Ses rares et derniers représentants sont ceux qui ont navigué au temps de leur jeunesse et fait<br />

au moins un tour du monde. Ils se sont initiés au maniement du pinceau et de la couleur sur le<br />

pont d’un voilier, et c’est ce voilier-là, de préférence, qu’ils représenteront fidèlement jusqu’à<br />

la fin de leur vie. Certes, ils pourront peindre d’autres bateaux, sur commande même, mais<br />

c’est toujours le premier qui sera le plus réussi, le plus sensible, le plus vivant. Un véritable<br />

portrait-souvenir. Il y a d’ailleurs plusieurs raison à cela. C’est sur lui que l’artiste en question<br />

a appris les rudiments de l’écriture, ou plutôt le style de sa figuration, consistant en un<br />

éclairage conventionnel et une certaine schématisation sans omission cependant de tous les<br />

détails indispensables à la vie du navire, tels que les mâts, les vergues, les cordages, les<br />

poulies, les voiles. Et comme ce bateau-là, il le connaît par cœur, ayant fait tous les métiers, et<br />

même escaladé pieds nus les mâts couverts de glace aux abords du cercle arctique, quoi<br />

d’étonnant alors qu’il le fasse avec un peu plus d’amour ? Plusieurs d’entre eux ont affirmé<br />

qu’ils pouvaient le peindre les yeux fermés… Car le but, ne l’oublions pas, était de le<br />

contempler plus tard, la retraite venue, accroché à son mur. En attendant, c’est la famille qui<br />

en profitait en pensant à l’éternel absent. Au fond c’était sa seule présence, puisque les lettres<br />

mettaient des mois et des mois et on restait parfois des années sans nouvelles… Ce cas était<br />

bien plus fréquent qu’on ne le croit, lorsque le bateau transportant le courrier coulait corps et<br />

âmes. Évidemment, ceux qui étaient plus doués, plus habiles les exécutaient, ces bateaux,<br />

pour les autres. Il y en a eu certains, devenus spécialistes, qui ont fini par laisser derrière eux<br />

une assez grande quantité de ces tableaux. Cela remplaçait donc la photographie, en quelque<br />

sorte, bien que ce ne soit pas la photographie qui soit la cause directe de leur disparition<br />

progressive. Non, la photographie était absolument dépourvue de ce côté sentimental qui<br />

s’attachait, qui accompagnait, dans le sens musical, les images peintes. Exactement comme<br />

les premiers portraits photographiques ne portaient pas préjudice aux portraits-souvenirs<br />

peints et ornés de la marine ou de l’armée. Toujours est-il, qu’il y a encore à peine vingt ans,<br />

on ne pouvait pas trouver une maison de marin où il n’y avait pas au moins un bateau de ce<br />

genre. Aujourd’hui, ils sont passés, pour la plupart, chez les antiquaires et dans les musées.<br />

Or, comme on ne commence à collectionner une certaine catégorie d’objets qu’à la veille de<br />

leur disparition, lorsque les forces vives qui les produisent commencent à tarir, on comprend<br />

que les premiers collectionneurs de ces tableaux ont sonné, en quelque sorte, que l’on veuille<br />

ou non, le glas de cette marine à voile.<br />

La représentation de ces bateaux ne changeait donc pas. Si peu. Ainsi les bateaux<br />

peints au début du XIX e siècle diffèrent très peu de ces mêmes bateaux peints vers la Belle<br />

Époque. Seule la minutie diminue peut-être, au fur et à mesure que la navigation se<br />

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