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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

de circonstance et son discours qui donnait le ton et façonnait les goûts et la sensibilité des<br />

amateurs des beaux-arts.<br />

Dans ces conditions-là, que pouvait donner le portrait de Guillaume Apollinaire avec sa muse,<br />

peint par le douanier Rousseau, accroché à côté d’une guirlande de nymphes évanescentes,<br />

bien roses et bien léchées de Bouguereau ? Ou bien les artilleurs, toujours de Rousseau, côte à<br />

côte avec les militaires de Meissonier, chez qui pas un bouton de guêtre ne manque, pour ne<br />

prendre que ces deux exemples là ? Rien de bon, c’est certain. Aucune comparaison ne<br />

s’avérait possible. Deux mondes et deux langages non seulement étrangers, mais absolument<br />

antagonistes, en effet. L’Art, la Culture et bien d’autres mots, ornés d’autres majuscules, ne<br />

pouvaient souffrir une pareille promiscuité, la peinture étant encore une et indivisible. Inutile<br />

d’insister là-dessus.<br />

Donc, une fois de plus, la peinture naïve pâtissait non en raison de ses propres insuffisances<br />

plastiques, si insuffisances il y avait, mais tout simplement parce que, comparée à un modèle,<br />

dit parfait et reconnu comme tel, elle ne lui ressemblait ni de loin, ni de près. Situation<br />

inextricable ou peu s’en faut, considérablement aggravée par l’incontestable prestige dont<br />

jouissait toute la peinture française, la première, la légitime héritière de la renaissance<br />

italienne, moribonde depuis plus d’un siècle. Les yeux des peintres du monde entier ne se<br />

tournaient-ils pas vers Paris et n’y allait-on donc pas, ne serait-ce qu’une fois dans sa vie,<br />

comme on allait autrefois à Rome, pour y apprendre ou à y copier tout ce qui se faisait alors<br />

de meilleur et de plus avancé à l’aide de couleurs et de pinceaux ? De sorte qu’à l’inverse des<br />

naïfs russes, contestés seulement par une fraction de la société, sans parler des américains,<br />

maîtres absolus dans leur pays, les pauvres naïfs français, livrés à eux-mêmes, ne pouvaient<br />

bénéficier d’aucune aide, d’aucune clientèle et d’aucune galerie, le Salon des Indépendants<br />

mis à part. Et l’ère de leurs évasions dominicales commença…<br />

La suite, on la connaît déjà. Trop. Des plaisanteries gratuites d’abord, puis les invectives<br />

autrement plus méchantes, avec lesquelles la presse abreuvait copieusement tous les naïfs,<br />

sans exception, participants à ce Salon, Rousseau plus particulièrement, choisi pour tête de<br />

Turc, ont abouti finalement à leur rejet pur et simple de la communauté artistique, les<br />

condamnant à un isolement sans issue, équivalent à une quarantaine forcée et dont les<br />

séquelles, malheureusement, se font sentir encore à l’heure qu’il est.<br />

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