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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

Ainsi de tous les temps les bergers taillaient les chaînes et les gourdins, en suivant la<br />

structure spécifique du bois, d’où naissaient tantôt les bêtes fabuleuses, tantôt les femmes<br />

nues ; les pâtissiers « artistes » reproduisaient indifféremment dans la crème ou la pâte de<br />

Saint-Honoré le mont Saint-Michel ou le carrosse de Louis XIV ; les jardiniers imaginatifs<br />

taillaient dans le buis les statues équestres ; les compagnons du Tour de France sculptaient un<br />

tas d’objets utiles et inutiles ; les forçats limaient dans les tuyaux, voire dans les morceaux de<br />

ferraille les sujets qui leur tenait à cœur, ou bien dans les noix de coco, - exactement comme<br />

les poilus bleus de la guerre de Quatorze dans les douilles d’obus ; les sorciers pétrissaient<br />

dans la glaise ou la cire les figurines d’envoûtement ; les humoristes des salons portraituraient<br />

leurs amis dans les marrons, très à la mode vers 1900 7 ; les demoiselles désœuvrées et les<br />

religieuses fabriquaient des objets en coquillages, dont le chef-d’œuvre est incontestablement<br />

« Le Jardin d’Armide » (Collection J. Damiot) ; les mêmes demoiselles et parfois les<br />

spécialistes capillaires confectionnaient toutes sortes d’objets avec les cheveux ; les marins et<br />

les gardiens de phare, s’ils ne sculptaient que quelque rafiot, s’adonnaient avec bonheur aux<br />

compositions, sinon aux panoramas faits avec des bouts de liège, morceaux de tôle, de cordes<br />

et de toile, tel le pauvre Jean-Jean, l’enfant de l’Assistance Publique dont il était question tout<br />

à l’heure ; un Arcimboldo des Puces de Bordeaux, enfin, composait des têtes, se servant de<br />

gros coquillages des mers du Sud, l’orgueil de la collection André Lhote, - sans oublier pour<br />

cela les orchestres d’assiettes cassées, dont on connaît au moins deux réussites<br />

exceptionnelles : la maison de M. Raymond Isidore, balayeur du cimetière de Chartres, où<br />

tout, jusqu’à la machine à coudre de sa femme, est recouvert de milliers de morceaux<br />

d’assiettes cassées, puis, bien que de moindre importance, la Villa Marie-Paul dans la<br />

banlieue Sud de Paris. M. Raymond Isidore, né le 8 septembre 1900 à Chartres (Eure-et-Loir)<br />

a entrepris cette œuvre sur l’ordre d’un esprit. La maison, le temple et la cour (décorées<br />

entièrement : peinture, fresque, sculpture et les assiettes cassées, comme de bien entendu)<br />

mesurent vingt-cinq mètres de long et six mètres de large. Cela lui a pris vingt-six ans et plus<br />

de vingt et mille heures de loisir, en dehors de ses heures de travail normal au cimetière…<br />

Tout cela avant le Cubisme, avant les « Collages ». Et je ne parle même pas des<br />

compositions en timbres-poste, relevant davantage de la peinture, me cantonnant uniquement<br />

dans les œuvres tri-dimensionnelles.<br />

Ce sont donc des objets. Des objets oniriques, des objets poétiques, des objets usuels,<br />

des objets à habiter, des objets-souvenir, des objets à transcender le réel et des objets de tout<br />

7 A la Libération, j’ai eu même l’occasion de voir une œuvre politique : une boîte sous verre renfermait les têtes<br />

de De Gaulle, de Goering, de Goebbels, etc., sculptées dans des… marrons !<br />

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