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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

présence, et à plus forte raison qu’à la fin des fins, ce sont encore les naïfs qui ont eu le<br />

dessus. La vérité d’abord, toute la vérité et rien que la vérité…<br />

Exceptionnellement, les circonstances s’y prêtaient à merveille. Les turbulences au sein même<br />

des naïfs commençaient. Leur succès, leur vogue passagère aidant, quelques commerçants<br />

véreux, afin de satisfaire la demande sans cesse accrue, lançaient sans vergogne de faux naïfs<br />

– en veux-tu, en voilà – et la masse de ces imposteurs grossissait dans des proportions si<br />

alarmantes, que c’est tout juste si on ne vous servait pas un nouveau peintre « naïf » tous les<br />

matins, avec votre journal, à votre petit déjeuner. Une espèce de marée noire se propageait<br />

ainsi insidieusement et polluait aussi bien les cimaises des galeries que le papier couché de<br />

livres commis à la va-vite par n’importe qui. En une demi-décennie, le nombre des naïfs<br />

yougoslaves, d’une bonne quinzaine d’excellents au départ, frôlait bientôt la centaine, record<br />

battu haut les mains par les Italiens qui, partis aussi d’une vingtaine, dépassaient maintenant<br />

les trois cents en un rien de temps ! Un couturier dans le vent inventait la « ligne naïve » ; un<br />

autre fabriquait les fards et le rouge à lèvres, idem ; on tirait des cartes postales en pagaille ;<br />

on faisait des posters, des calendriers, des couvercles de boîtes de chocolat, des basses<br />

officines commerciales se déguisaient en des musées-bidon, et les prix montaient,<br />

montaient… montaient… susceptibles de décourager les meilleures volontés. Moment où<br />

jamais de passer à l’action et de porter le coup fatal. La victoire était à portée de la main. Il<br />

suffisait de se baisser un peu, voilà tout. Mais passons…<br />

Cela a commencé par la publication d’un ouvrage sur la genèse de la peinture naïve, assez<br />

savant d’apparence (dont on taira le nom de l’auteur par charité) où, en guise de conclusion,<br />

on pouvait lire ce qui suit : « La relève de l’art naïf, c’est plutôt l’Art Brut qui la prend, et plus<br />

précisément l’art des psychopathes, névrosés, paranoïaques, schizophrènes, dont les<br />

productions révélatrices répondent mieux aux interrogations angoissées de notre temps.<br />

D’autre part, si l’état de naïveté est improbable, précaire, et virtuellement condamné par<br />

l’autorité croissante des disciplines rationnelles et par les puissances de normalisation qui<br />

sévissent dans nos sociétés modernes, les psychoses, à en croire les statistiques, sont promises<br />

à un riche avenir ».<br />

Ce ton est nouveau. L’approche tout à fait différente. Jusqu’ici, on cassait du naïf à la manière<br />

raciste, sans se donner la peine de justifier cette attitude envers sa victime. Exterminons-les<br />

tous, Dieu reconnaîtra les siens… Sus aux naïfs ! Encore un ! Un de trop, et on lâchait les<br />

chiens…<br />

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