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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

d’aujourd’hui, toutes proportions gardées. On peut se demander aussi, pourquoi pas, s’il<br />

l’avait énoncée cette prophétie, par jeu, par boutade, un peu comme lorsque il conseillait à<br />

peindre avec les cartes à jouer, les chandeliers et les boutons de culotte, ou s’il y croyait<br />

vraiment.<br />

Las ! Sa tombe au Père Lachaise, surmontée d’un menhir, que Jacqueline ne fleurit plus, reste<br />

et restera à jamais muette, et ce n’est pas dans mes habitudes de faire parler les morts. Il vivait<br />

à une époque où finissaient les rois, et nous, où finissent les Républiques Libérales, de sorte<br />

que ce menhir marque non pas une borne pour rectifier quelque frontière, mais représente un<br />

symbole au-delà duquel une nouvelle préhistoire commence. En réalité, le monde a bien plus<br />

changé depuis ces trente dernières années que depuis des siècles.<br />

Il n’empêche qu’un autre poète, et je reviens à Pierre Restany, a le mieux senti ce monde<br />

nouveau en gestation perpétuelle que l’on nomme faute de mieux la Société de<br />

Consommation, où tout est marchandise d’abord, donc art, destiné à être consommé sur le<br />

champ comme le reste ; il a senti ses potentialités illimitées, il a vécu ses espoirs et ses<br />

désespoirs. La féerie des matériaux inédits et les prouesses insoupçonnées des technologies<br />

jamais vues allant de pair avec des destructions toutes aussi massives et la mort de toutes<br />

sortes de choses qu’elles portaient en elles comme les nuées portent l’orage. La vitesse et les<br />

embouteillages, la soi-disant joie de vivre et la pollution. Il s’est intégré à la société nouvelle,<br />

et il a conçu pour elle un nouveau folklore urbain. Il n’a négligé que sa facilité, sa gratuité, à<br />

portée de n’importe qui. Il n’a pas prévu, entre autres, que la beauté devenait insensiblement<br />

laideur, bien que, à l’occasion, il savait nommer un chat un chat et les œuvres de Dubuffet de<br />

la merde dans un bas de soie – nylon, fallait-il rectifier, n’est ce pas, mode oblige – ne se<br />

trompant que de l’auteur qu’il paraphrasait ainsi. Ce n’est pas Napoléon qui a trouvé cela en<br />

parlant de Talleyrand, mais un ambassadeur anglais. (Chateaubriand – Mémoires d’outretombe).<br />

Et il l’a fait, cependant, en homme de culture comme disent les italiens. A côté de lui,<br />

la majorité des critiques d’art, préposés aux destinées de ces arts, sinon anti-arts, ne sont que<br />

des clercs de notaires faisant des contrats de successions, démarcheurs ou démonstrateurs de<br />

l’écho ménager.<br />

Il lui est arrivé, hélas, ce qui arrive à tous les chefs de file, vite débordés par des minables, par<br />

des profiteurs de la dernière heure, par ceux qui courent après le dernier train en marche, au<br />

risque de se faire écraser sous les rails. Je m’étonne aussi d’une certaine cruauté de sa part<br />

envers Ben, Duchamp du pauvre, qui selon moi a néanmoins résumé la situation par ces<br />

maximes, écrites sur l’ardoise à la craie, Tout est Art. Rien n’est Art. Ben sait tout, j’en passe<br />

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