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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

Pas tant que cela. Le destin l’avait choisi, sans doute, à son insu, pour d’autres<br />

épreuves plus dramatiques, plus redoutables. Sa mission n’est pas terminée. En vérité, elle ne<br />

fait que commencer.<br />

Après un an et quelques mois de mariage, la femme de Perrenoud est emportée par une<br />

leucémie. Il a tout fait, pourtant, tout essayé. Sa science et son amour n’ont pas pu vaincre,<br />

pour une fois, la fatalité. Perrenoud ne s’est pas remarié. Il l’a promis, au chevet de la<br />

mourante, bien que pareille promesse fût superflue, lorsqu’on connaît Perrenoud. Ne vous aije<br />

pas dit, tout au début, que quand il accorde son amitié, et à plus forte raison son amour,<br />

c’est pour toujours ?<br />

C’est pourquoi un ruban de crêpe noir barre depuis un peu plus d’un quart de siècle un<br />

grand portrait sous verre de son épouse, et qu’un bouquet de violettes l’accompagne. C’est<br />

pourquoi, également, il a reporté toute son affection et toute sa tendresse sur sa fille, un bébé<br />

qui n’a pas connu sa mère, mais qui peut-être fière de son père. La sœur et le beau-frère de<br />

Perrenoud se prennent d’affection pour cette enfant et l’aident à l’élever comme si c’était leur<br />

propre fille.<br />

Puis c’est la guerre et la défaite. La Résistance et l’arrestation. Les Nazis lui ont fait<br />

perdre le sommeil. Ah, il connaît, il aime la nuit, c’est sûr, mais maintenant ce n’est plus un<br />

refuge. Elle est peuplée de fantômes et de pensées amères. Les vers sourdent, parfois, se<br />

forment d’eux-mêmes dans son cerveau. Or, ils ne clament ni désespoir, ni vengeance. Non,<br />

c’est plutôt une grande sagesse qui en émane, toute simple, sereine et résignée, celle qui,<br />

classique dans sa forme, peut être de tous les temps. Elle peut paraître même banale à des<br />

esprits superficiels, ne serait-ce qu’à force d’être vraie. Vous pourrez lire quelques-uns de ces<br />

vers à la fin de ce petit volume.<br />

« S’ils m’avaient battu, je crois que je les aurais étranglés », dit calmement Perrenoud,<br />

en regardant ses mains. Ces mains terribles comme un étau, tendres comme du duvet, lorsqu’il<br />

caresse ses couleurs. Ces mains qui connaissent la vie et la mort sans aucun doute mieux que<br />

lui-même. Celles qui ont accompli tant de voyages au bout de la nuit !...<br />

Ebranlé donc dans sa santé, tant soit peu découragé par des détresses contre lesquelles<br />

il ne peut rien, Perrenoud traverse alors une crise assez sérieuse. Tant physique que morale. Et<br />

c’est à ce moment précis qu’apparaît dans sa vie le célèbre Albert Willemetz, l’un de ses<br />

« clients », qui lui conseille un dérivatif : la peinture.<br />

C’est lui qui l’exposera, par deux fois, dans le hall de son théâtre, et c’est encore lui<br />

qui écrira ses toutes premières préfaces. Dans une préface pour la carte d’invitation à<br />

l’exposition de la galerie Bénézit, en 1961, il dit notamment :<br />

198

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