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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

reflétant le ciel avec beaucoup de bleu, taché de petits nuages en gestation et qui ne ressemble<br />

à rien d’autre qu’à ce squelette blanc, romantique, ruisselant dans le vide, galvanisé par le<br />

clair de lune – couleur de soif.<br />

Partout, ce squelette de grue métallique qui domine le paysage de mort de la banlieue<br />

parisienne, la femme, la mort qui moissonnait autrefois les lézards et les chauves-souris des<br />

châteaux féodaux, maintenant les papiers peints d’hôtels, les fleurs de l’intimité fanée, les<br />

restes de chaleur des cheminées, les bases anciennes du bonheur qui vont céder leur place à<br />

une humanité inconnue. Méditations interminables et anachroniques, questions qui se posent<br />

périodiquement aux époques qui annoncent la fin des cultures. Ainsi, nous-mêmes, naufragés<br />

d’une chanson trop courte, munis d’organismes variables, ombrageux et presque<br />

atmosphériques, à notre tour, nous tendons à montrer nos limites, nos vertèbres finales,<br />

comme des plaques photographiques éclairées par les rayons X. Cette fin suprême rend toute<br />

action inutile et fausse, toute virtualité inutile pour un moment si chargé des grands<br />

évènements, des grandes catastrophes et de guerres imminentes, avec tous leurs dangers<br />

renaissants et surtout le cannibalisme atavique qui réapparaît sur le ciel venimeux de demain,<br />

sur le crépuscule mortuaire des gaz asphyxiants et qui cache déjà ce fameux bouquet de<br />

Cléopâtre. Le serpent aussi invisible et atmosphérique qui mordra le sein le plus beau et le<br />

mieux aimé. Tout et nous-mêmes sommes déterminés par le milieu actuel, c’est-à-dire par les<br />

myriades d’enceintes lumineuses battant leur pouls électrique sans arrêt, par l’hallucination<br />

diurne et nocturne des tubes de néon, éclairant les devantures et les lieux de débauche, les<br />

devantures sans nombre, luxueuses, exagérées, pétillantes, extravagantes, suaves et exorbitées<br />

comme cette époque de grand luxe destinée à périr. Nous la vivons, mais lassés des<br />

assymtotes ramolissantes de l’esprit qui s’anéantissent sans toucher, sans jamais embrasser le<br />

merveilleux, nous voulons voir la vie telle qu’elle est. La vie telle qu’elle est…<br />

Le monument de cette nuit anonyme sera érigé en rase campagne. Crépusculaire et déserte. Le<br />

paysage se composera d’un bleu foncé précurseur d’orage, de la pourpre couleur de sang et de<br />

quelques arbres aux lèvres d’absinthe.<br />

Un énorme encrier en verre fêlé surplombera ce paysage et tissera partout où l’œil humain<br />

peut atteindre, une énorme toile d’araignée aux fils irisés. Là, comme les insectes-victimes,<br />

les rayons attardés du soleil bourdonnent plaintivement et meurent égarés. En tristesse. Une<br />

plume de la grandeur de cet encrier, une vraie plume, plus haute que les peupliers et les débris<br />

des cheminées d’usines abandonnées qui grouillent autour, restera enfoncée pour toujours<br />

dans la terre tel un drapeau immobile qui n’indique plus la direction du vent. Beau. Invariable.<br />

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