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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

Cette fois, le jeu est plus subtil. Oh ! combien… On les élimine, certes, mais en douceur,<br />

rétroactivement en quelque sorte, comme une espèce de mise à la retraite anticipée, sans<br />

dénier pour autant leurs droits à leur passé, et cela en désignant nommément leurs successeurs<br />

souhaités, alias les malades mentaux, choisis expressément dans la catégorie la plus proche de<br />

la peinture naïve, et dont le but est clair et net : s’adresser à la clientèle des naïfs et se<br />

l’approprier séance tenante. Ce n’est donc pas pour rien qu’on casait les naïfs à côté des fous,<br />

sans oublier les enfants, qui sont tous un tant soit peu fous à leurs heures, dans leurs dessins et<br />

aquarelles, du moins.<br />

Manque de chance ! Car c’est au même moment, pendant que l’encre d’imprimerie de cet<br />

ouvrage était encore en train de sécher, que la généralisation de l’emploi des neuroleptiques,<br />

d’antidépresseurs et de toutes sortes de tranquillisants, ces véritables camisoles de force<br />

pharmaceutiques, interdisait brutalement aux malades mentaux toute activité susceptible<br />

d’exorciser leurs fantasmes. Ce qui fait que, du jour au lendemain, les fous ne peignaient plus,<br />

ne sculptaient plus, n’écrivaient plus, dépossédés de leur dernier bien, de ces cris de douleur,<br />

salaire et rançon de leur malheur, alors que l’œuvre des naïfs ne faisait que croître et embellir.<br />

Les asiles ne sont plus ce qu’ils étaient, c’est vrai. Ils ont cessé d’être ces espèces de cavernes<br />

d’Ali-Baba où chaque malade mental trouvait des gemmes correspondantes aux syndromes de<br />

sa maladie. Même si, quelquefois, elles touchaient aux confins de la beauté.<br />

L’art des fous est néanmoins aussi vieux que le monde. Déjà dans quelques peintures du<br />

néolithique supérieur, les spécialistes peuvent distinguer çà et là des déviations subites des<br />

traits, témoignant de la poussée caractéristique de symptômes schizophréniques. Ces<br />

symptômes, toujours les mêmes, se reproduisent d’ailleurs à chaque fois que la chimère<br />

intérieure prend le pas sur la réalité objective. Mais comme nous ignorons à peu près tout de<br />

la mentalité de l’homme préhistorique, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de<br />

délimiter la part de la magie te du sacré, se manifestant d’une façon passablement identique.<br />

Où finissent alors les rites et où commence le « haut mal » ? Où commencent les cérémonies<br />

sacramentelles et où finit l’épilepsie. La possession par les esprits. Vaudou, entre autres, et ce<br />

« quelque chose » de Rousseau ? Les Sybilles et les délires ? Quoi de commun entre les naïfs<br />

et les fous, tous autodidactes, par définition ? La frontière est donc plus que mouvante, floue,<br />

incertaine. Puis, que de prétendues sorcières et sorciers ont péri sur les bûchers de<br />

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