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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

Eh bien, non. Là encore, on s’était rendu vite compte que pour être peintre naïf, son âge ne<br />

compte pas plus que son métier, son degré de culture, son sexe ou sa condition sociale. Déjà,<br />

on pouvait dénombrer parmi eux des paysans et des professions libérales, des ouvriers et des<br />

fonctionnaires à la retraite ou pas, des marchands, dont un de vins en gros, un gendarme et un<br />

ancien souteneur, un concierge, un fort des halles, un commissaire de police, un poète, un<br />

huissier et même un croque-mort. Côté femmes, c’est pareil. Les tableaux peints par des<br />

mères de famille aisées, voisinaient allègrement avec ceux de leurs bonnes, et il fallait être<br />

bien malin pour pouvoir distinguer les paysages et les bouquets de fleurs de ces dernières, de<br />

ceux que peignaient, sur le tard, une actrice assez connu du « muet », celle qui joua jadis aux<br />

côtés de Greta Garbo dans « La rue sans joie ». En voilà un autre pavé, et de taille dans la<br />

mare des préjugés !<br />

Quoiqu’il en soit, les approches et les appréciations de la peinture naïve changeaient du tout<br />

au tout, presqu’à vue d’œil, ayant pour conséquence immédiate l’apparition du phénomène<br />

naïf, passablement confus, embarrassé par ses multiples problèmes encore non résolus, mais<br />

que l’on ne pouvait plus cacher ni écarter d’une chiquenaude. Que voulez-vous, il était là,<br />

tangible et présent, à la fois séduisant et gênant, en face duquel il fallait en prendre son parti,<br />

de gré ou de force. Pour ou contre. Pour, c’étaient justement ces amateurs sincères de la<br />

peinture auxquels les naïfs apportaient une espèce de bain de jouvence dont ils ne<br />

soupçonnaient même pas l’existence auparavant. Un vrai cadeau du ciel, qui n’a fait que<br />

grossir imperceptiblement leurs rangs au fil des années. Et c’est en réagissant à cet<br />

engouement aussi subit qu’imprévu que les divers défenseurs de l’art dominant, à la page,<br />

pratiqué par des « chers maîtres » sortis des écoles, gavés de commandes, couverts de<br />

diplômes et de décorations, donc tenant, comme il se doit, le haut du pavé des circuits<br />

commerciaux, sont partis en guerre contre la concurrence déloyale de tous ces empêcheurs de<br />

tourner en rond et finirent par monter une sournoise, mais souvent une assez efficace cabale,<br />

destinée à barrer la route aux naïfs par tous les moyens licites et illicites à leur disposition ;<br />

soit par le silence, soit par le dénigrement et à les forcer à réintégrer leur ghetto, d’où ils<br />

n’auraient jamais dû sortir. Les rejeter dans une marginalité, afin que l’on cesse de mélanger<br />

les serviettes avec les torchons. Si tous ces détracteurs-là des naïfs l’avaient pu, ils les auraient<br />

assigné devant les tribunaux, tels les vulgaires rebouteux pour l’exercice illégal de la peinture.<br />

Des relents de la ségrégation traînaient ainsi dans cette atmosphère empoisonnée… Aussi, un<br />

beau jour, le dernier conservateur en chef du Musée National d’Art Moderne de Paris<br />

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