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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

n’avons-nous pas vu dans les stalags et les oflags une quantité de gens que rien, apparemment,<br />

ne prédisposait à cela, qui ont commencé à peindre ou à sculpter ?<br />

Il a fallu donc que l’amour du beau soit bien fort chez un Laforge, que sa passion pour<br />

son métier soit bien brûlante pour qu’il ne l’abandonne pas, comme tant d’autres,<br />

définitivement. C’est devenu une vocation, en quelque sorte, pas une marotte. Une raison<br />

d’être. Telle est la situation de Laforge qui continue dans les pures traditions de cet art,<br />

malgré les vents et les marées, à produire, bon gré, mal gré, les mois d’hiver, une dizaine de<br />

voiliers par an, ceux qui hantent ses nuits blanches. Il les vend, évidemment, mais c’est tout<br />

juste le prix de la toile et des couleurs. Son travail, il le donne pour une bouchée de pain. Il ne<br />

peut en être autrement dans les conditions actuelles de la vie, hélas ! Voilà donc quelques<br />

unes de ces raisons pour lesquelles on en voit de moins en moins, de ces voiliers bleus et<br />

blancs et pourquoi ce métier agonise. D’ici peu, personne ne saura plus les faire, du moins<br />

selon les règles et les procédés traditionnels qui fleurissaient depuis des siècles.<br />

Quant aux « faiseurs » de bateaux en bouteille, dont le métier relève également de la<br />

tradition et de l’apprentissage, puisqu’on ne peut pas apprendre par soi-même la recette et<br />

quelques tours de passe-passe nécessaires pour réussir à faire rentrer par le goulot le tout petit<br />

voilier, achevé et gréé, et pour qu’un seul fil le redresse, comme par enchantement, une fois<br />

en place, on peut les compter aussi, à l’heure qu’il est, sur les doigts. Là aussi, il faut des<br />

loisirs, payés, bien entendu, parce que le résultat, du point de vue pécuniaire, est médiocre.<br />

Même s’ils vendent ces charmants bibelots 1.500 ou 2.000 francs pièces 6 , ce qui est le<br />

maximum, ce chiffre est loin de représenter les heures de travail nécessaires à leur fabrication.<br />

Là aussi, le métier périclite, disparaît. Les jeunes marins préfèrent la T.S.F. ou le cinéma. Plus<br />

d’apprentis, plus d’amateurs…<br />

Mais, contrairement aux peintres de bateaux qui se recrutaient parmi les marins, les<br />

« faiseurs » de bateaux en bouteille étaient pour la plupart des gardiens ou anciens gardiens de<br />

phares. De phares en pleine mer de préférence, où il fallait meubler coûte que coûte le temps<br />

long, interminable, et lutter contre la solitude. De même que pour la navigation, la<br />

modernisation et l’installation des phares radio-électriques a porté un coup rude à ce charmant<br />

artisanat. Le mazout d’abord, donc toujours les mais sales, ensuite le bruit. M. Noël Matel, le<br />

gardien du grand phare de Belle-Ile, se plaint justement de ne plus pouvoir confectionner,<br />

comme il en avait le coutume, ces petits bateaux : à cause de tout cela. Il n’y a plus de veillées<br />

en haut, où il était à son aise des heures et des heures durant ; le sol tremble dans la salle des<br />

6 J’écris ceci en 1955…<br />

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