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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

Musée tchèque d’Art moderne, un tantinet semblable à notre feu Luxembourg et où, après un<br />

hiver particulièrement rude, les lilas étaient plus lilas que jamais, et le jasmin plus blanc, plus<br />

entêtant qu’ailleurs…<br />

Je cherchais un flirt, une amourette, un baiser et ce fut un vrai coup de foudre !<br />

Instantané, sans rémission, pour la vie.<br />

Est-ce le hasard, encore, qui, un an plus tard, environ, m’a mis en présence de<br />

Geogorij Moussatoff, le seul, l’unique peintre naïf de ce pays ; et que ce dernier, qui aurait pu<br />

être mon père, me demanda que je fasse un livre sur lui ? Eh oui, mon premier livre, écrit en<br />

1930 et publié en 1931, à l’âge de 22 ans…<br />

Des années ont passé, et j’ai oublié peu à peu ce pauvre péché de jeunesse. J’ai vu,<br />

enfin, la Tour Eiffel, et j’ai connu beaucoup d’autres peintres, tous abstraits. Il me semblait,<br />

en ce temps-là, que créer un monde de toutes pièces et de rien était bien plus exaltant que de<br />

recréer le nôtre, aussi pur, aussi innocent qu’il fût. Cette période de ma vie dura jusqu’à la<br />

défaite.<br />

Pour ne pas collaborer à des publications aux ordres de l’occupant, je renonçai à écrire<br />

et dus gagner ma vie tant bien que mal, comme « chineur », c’est-à-dire en allant<br />

régulièrement sur les quais et aux Marchés au Puces, cherchant des livres, des tableaux, des<br />

bibelots, que je revendrais aux marchands.<br />

Fatalement, j’y ai retrouvé les « naïfs », à commencer par des inconnus, des<br />

anonymes ; puis j’en fréquentai quelques-uns parmi les connus, O’Brady, Jules Lefranc, Léon<br />

Greffe et Jean Fous : ceux qui me consolaient tant soit peu de ce temps du mépris. Leur art,<br />

d’un charme pour ainsi dire angélique, se révélait de nouveau, à mes yeux du moins, plus fort<br />

et plus magique que tous les artifices du rêve, les calculs gratuits de l’esprit, qui croûlaient,<br />

eux, lamentablement, dans la boue et dans le sang, leur meilleur antidote.<br />

Pendant ce temps, Raoul Perrenoud était torturé par la Gestapo (je ne le connaissais<br />

pas, bien sûr, et lui ne pouvait même pas se douter qu’il serait peintre un jour), et Moussatoff,<br />

dont j’ai perdu la trace, mourait oublié à Prague, d’une crise cardiaque.<br />

D’aucuns se demanderont à coup sûr ce que ces souvenirs ont à faire dans un texte<br />

consacré à Perrenoud. C’est que sa rencontre, somme toute tardive, ne relève pas du hasard,<br />

elle non plus. Elle aussi s’inscrit dans une suite bien déterminée de ce qui nous façonne à<br />

notre insu et fait notre vie et notre destinée telles, et non pas autres. Que nos actes, nos<br />

pensées, que dis-je, tout, jusqu’à ce qui surnage de nos mémoires, n’est jamais fortuit et<br />

s’ordonne selon une nécessité dont on ignore encore le mécanisme. Que sa vie enfin, si<br />

différente de la mienne, devait la croiser à un moment donné. Cela doit arriver, dit la sagesse<br />

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