anatole jakovsky (1907/1909 ? â 1983) - Bibliothèque Kandinsky
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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />
l’équivalent de nos images d’Epinal et… des tableaux naïfs ? Il est à noter, cependant que<br />
Gogol ne peut pas s’empêcher de persifler légèrement ces derniers – sa plume d’oie de<br />
satiriste professionnel oblige ! – en choisissant et en s’attardant de préférence sur des<br />
semblables couchants de soleil qu’il compare à des incendies, sur des arbres, uniformément<br />
blancs l’hiver et surtout, surtout sur des portraits, « aux bras cassés et aux nez tordus »,<br />
ressemblant davantage, toujours d’après lui, à des dindons, etc., etc. Il est vrai qu’en toute<br />
honnêteté, il reconnaît qu’il n’y avait nulle part autant de monde que devant cette boutique,<br />
même si le nombre des acheteurs fût sensiblement inférieur à celui des badauds. Qui dit<br />
mieux ?<br />
Il n’empêche que tous ces tableaux-là, exécutés généralement par des anciens faiseurs<br />
d’icônes en rupture de ban, par des militaires en retraite, des arpenteurs, des rares serfs doués<br />
un tantinet pour la chose peinte et par de nombreux artisans enfin, les peintres d’enseignes<br />
particulièrement, à mi-chemin entre le folklore traditionnel et la création individuelle, ne se<br />
distinguaient pas tant que cela, plastiquement parlant s’entend, des œuvres de leurs confrères<br />
inconnus d’outre-océan ; avec cette différence pourtant que la place qu’ils occupaient dans la<br />
vie courante, en revanche, était loin de valoir la leur ou peu s’en faut. Cela se comprend<br />
aisément. Ne s’adressant, somme toute, qu’au peuple et à la petite bourgeoisie à la rigueur, ils<br />
étaient fatalement tenus à l’écart des manifestations artistiques de la noblesse russe, laquelle,<br />
depuis Pierre le Grand, singeait désormais les goûts et les modes de l’Occident, s’entourant de<br />
préférence des productions des peintres mineurs italiens, français et allemands, alors que les<br />
américains, dépourvus d’une culture officielle et privés de centres d’enseignement artistique<br />
quels qu’ils soient, faisaient confiance pleine et entière à leurs peintres du cru, considérés tout<br />
aussi utiles et indispensables que n’importe quelle autre profession au service des corps et<br />
âmes et rémunérés, donc, en conséquence. Ce qui explique aussi, chez eux, l’absence pour<br />
ainsi dite totale de toute critique et encore moins des sarcasmes faciles dans le genre de ceux<br />
de Gogol.<br />
Or, cet art, comme on le voit suffisamment prospère, périclite, s’efface et disparaît tout d’un<br />
coup pendant les premières décennies du pouvoir des Soviets, banni ou plutôt interdit pour de<br />
bon, puisque ne répondant pas, mais pas du tout, aux exigences et aux normes du "Réalisme<br />
Socialiste" en vigueur, mais c’est pour renaître peu à peu, çà et là de ses cendres, aussi bien en<br />
Russie que dans l’ensemble des autres républiques socialistes. Le cosaque Mamaï, héros<br />
légendaire de l’imagerie populaire, se révéla encore plus fort que par le passé. Décidément,<br />
les forces qui l’animaient étaient capables de braver même les excommunications et les<br />
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