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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

plus que jamais à ne pas prendre les naïfs au sérieux, avec quelque ostracisme sous-jacent, en<br />

filigrane. Ce qui n’empêchait pas, pas le moins du monde, à certaines bonnes âmes de<br />

s’apitoyer sur leur sort et de prédire leur fin prochaine, voire imminente, en trahissant par là<br />

leurs propres secrets et inavouables désirs ! !<br />

Comment pourrait-on expliquer autrement l’absence totale des peintres naïfs dans le Grand<br />

Livre de la Peinture, une authentique somme, ou tout comme, publié d’abord de 1965 à 1967<br />

aux Editions Rencontre à Lausanne, puis réédité dix ans plus tard, revu et augmenté, en deux<br />

volumes, chez un autre éditeur à Genève, formant un tout d’à peu près 1.000 pages ? Rien n’y<br />

manque, c’est vrai ; les fresques pariétales, l’Art nègre, l’Océanie, les fous, l’Op Art, l’art<br />

pauvre, l’art minimal, les abstractions chaude et froide, où pas un cercle ni un carré ne<br />

manque, les gestuels, les informels, les lyriques, mais les naïfs, point. Zéro. Seul Rousseau y<br />

figure, dans un chapitre consacré, on se demande pourquoi, au Post-Impressionnisme,<br />

agrémenté de ce qui suit : « Le Douanier est un peintre naïf assurément et sa peinture naît de<br />

cette naïveté – ah quelle jolie Lapalissade ! – mais il ne débouche pas sur une peinture naïve<br />

qui n’émeut que par ses insuffisances mêmes ». C’est tout. Comprenne qui pourra...<br />

Pardon, ce n’est pas tout : Maurice Hirschfield, l’un des meilleurs peintres naïfs américains<br />

contemporains, et manifestement parmi les plus connus, y figure également, mais égaré parmi<br />

les surréalistes, comme si cette fausse étiquette usurpée lui donnait une plus grande dignité et<br />

le lavait en un tournemain de quelque péché originel.<br />

Mais que penser de cette autre déclaration plus longue et plus péremptoire encore, due à la<br />

préfacière du soi-disant catalogue complet et raisonné de l’œuvre de Douanier Rousseau : “Il<br />

[Rousseau] installera le geste au niveau de l’instinct et en imposant avec force sa vision à lui,<br />

donnera naissance à toute une catégorie nouvelle de la peinture : les peintres naïfs, appelés<br />

tour à tour Primitifs, Peintres du dimanche, Maîtres Populaires de la Réalité – autant de<br />

qualificatifs qui jalonnent leur affirmation au cours du XX e siècle. Mais cette filiation fondée<br />

moins sur le style de Rousseau que sur un état de conscience analogue au sien, n’atteint pas la<br />

puissance qui se dégage de son œuvre. Car l’analogie n’est qu’apparente. Rousseau n’étale<br />

pas son innocence picturale. Il lutte au contraire avec lui-même pour acquérir ni plus ni moins<br />

l’adresse académique qui le fascine… C’est un conflit insoluble qui donne à ses tableaux leur<br />

vraie saveur naïve. Par là, son cas est étrangement lié à un moment historique précis et ne<br />

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