27.10.2014 Views

anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

Autrefois, pour remercier Dieu ou quelque autre divinité païenne, d’une guérison<br />

soudaine et tant soit peu inattendue, extraordinaire en un mot, les miraculés lui offraient<br />

généralement, sous forme d’un ex-voto, toutes sortes de parties du corps humain, membres,<br />

thorax, cœur, poumons, tête, yeux, etc., moulés en cire ou fondus en métal, quand ce n’était<br />

de tout petite tableaux plus ou moins naïfs représentant la scène même de la guérison, ou les<br />

circonstances de l’accident mortel évité.<br />

Dans sa ferveur émue, Perrenoud s’offre, en nous les offrant par la même occasion, les<br />

images d’un monde meilleur, d’un monde primesautier, inédit, entièrement revu, recréé et<br />

rebâti par lui, comme autant d’offrandes, en fin de compte, à quelque déesse de la Beauté.<br />

Celle-là même à qui les habitants des cavernes offraient déjà leurs cerfs, leurs bovidés, leurs<br />

mammouths, sans oublier les effigies de leurs propres femmes, tétonnières et fessues. Celle<br />

qui a existé bien avant nous.<br />

Je vous ai prévenu : avec Perrenoud, vous n’avez pas affaire avec un peintre ordinaire.<br />

C’est un véritable bloc, une sorte de monolithe celtique, qui, à l’instar des menhirs, dresse son<br />

énigme parmi nous.<br />

D’où vient-il ? Où allons-nous ? Que sommes-nous ?<br />

Est-il naïf ou pas, cela n’a aucune espèce d’importance. Ce qui compte, c’est son<br />

œuvre, non l’étiquette. Sa portée aussi, et sa signification. Et l’œuvre de Perrenoud n’est-elle<br />

pas là pour nous crier, pour nous hurler dans sa franchise brutale que rien n’est encore perdu,<br />

que la vie vaut la peine d’être vécue, que le monde est beau, et que l’homme l’est aussi,<br />

malgré les menaces qui pèsent sur lui. Malgré ses misères, malgré ses déchéances. L’exemple<br />

de Perrenoud me rappelle invinciblement cette phrase de Gorki qu’il met dans la bouche d’un<br />

de ses vagabonds tout ce qu’il y a de plus déchu, en train de toucher le fond de son infortune :<br />

« Ça sonne quand même fier, ce mot Homme ! » Et cet autre, dans Saint-Exupéry, qui, après<br />

avoir rampé des jours et des jours sans manger, dans le froid et l’air raréfié de la Cordillère<br />

des Andes, dit simplement : « Ce que j’ai fait là, aucune bête ne l’aurait fait… ».<br />

Oui, grâce à des hommes comme Perrenoud, qui sont dignes de porter ce nom<br />

d’homme.<br />

En ce qui me concerne personnellement, et pour en finir avec les réflexions de ceux<br />

qui n’ont peut-être pas encore compris pourquoi je me suis permis de parler d’abord de moi,<br />

j’ajouterai encore ceci. Moi-même, lorsque je fus mis en présence des œuvres de Perrenoud,<br />

avant de le connaître, j’ai éprouvé comme un choc, un défi. Ces œuvres n’avaient absolument<br />

rien de commun avec ce que je connaissais jusque-là. Ce n’est que quelques jours plus tard,<br />

en faisant sa connaissance que j’ai compris d’où venait ce côté insolite et mystérieux, si<br />

202

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!