anatole jakovsky (1907/1909 ? â 1983) - Bibliothèque Kandinsky
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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />
même place que Picasso à Paris ; joue le même rôle, a la même importance pour l’art<br />
allemand.<br />
Picasso, comme les autres cubistes, achève la dissection de l’objet et de la nature, les<br />
remplaçant par des formes géométriques – <strong>Kandinsky</strong> qui n’a jamais connu l’objet, propose<br />
l’ascension directe de nouvelles formes, formes symboliques empruntées au monde des<br />
techniques et de la machine. Pour les cubistes la machine est la fin (F. Léger) – pour<br />
<strong>Kandinsky</strong> le début.<br />
Par des moyens mimétiques, par adaptation à l’environnement, certains cubistes<br />
réduisent chaque forme du corps humain aux limites de sa simplification – la cuisse d’une<br />
cheminée d’usine – <strong>Kandinsky</strong> essaie de remplir chaque forme géométrique, primaire et<br />
simple, avec de l’émotion humaine. Et pour les faire en conséquence atteindre au-delà de<br />
l’unique sensation purement visuelle. (Juste comme ils lisent : triangle, cercle, carré…)<br />
Avec les cubistes, l’infini essaye d’approcher cet exacte et invariable donnée, avec<br />
<strong>Kandinsky</strong> les données précises sont infiniment indéfinies.<br />
Et alors le romantisme industriel et l’industrie romantique, aube et crépuscule baignés<br />
dans la même lumière, se trouvent presque à égale distance de l’arrêt du type de l’art actuel<br />
qui est appelé pure forme – ou forme sans contenu.<br />
Si les tableaux cubistes sont des discours, panégyriques et oraisons funèbres, les<br />
travaux de <strong>Kandinsky</strong> sont musiques, nocturnes, élégies, rhapsodie. Ni l’un ni l’autre n’ont<br />
rien à faire avec ce blanc neutre et glacial – la zone polaire de la peinture qui se pose en tant<br />
que frontière naturelle entre eux.<br />
Aube et crépuscule baignés dans la même lumière, par la délicate et furtive dorure<br />
d’un soleil mental – les beiges des cubistes et l’or byzantin de <strong>Kandinsky</strong> – L’Heure du<br />
Berger, l’heure incertaine de la sagesse épicurienne du dix-huitième siècle, avec sa bergère –<br />
la Tour Eiffel – et le troupeau du matin sur les ponts.<br />
Ici, avec l’installation récente de <strong>Kandinsky</strong> à Paris, débute la troisième phase de son<br />
art. L’élément de sa création était toujours la lumière, ou plutôt la multitude des lumières des<br />
différents pays où il a vécu. Comme nous l’avons déjà vu, les lumières visuelles et<br />
l’illumination de l’âme coïncide dans son travail, achevant ainsi la synthèse des climats<br />
idéologiques de notre temps. Avec lui, chaque forme, chaque signe, existe seulement plongé<br />
dans une atmosphère sans limites, dans l’illumination de l’heure. Maintenant soudainement<br />
transporté à Paris, ils rencontrent l’enchantement des aubes, des couchers de soleil – son large<br />
jour de lumière.<br />
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