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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

De joie et d’un grand bonheur.<br />

Un tableau plastiquement résolu peut se passer de titre. Il peut tout simplement<br />

s’appeler « composition », « nature-morte », ou « paysage ». Le tableau naïf, par contre, n’est<br />

pour ainsi dire jamais résolu. Il y a toujours un léger flottement entre ce que le peintre a vu, ou<br />

ce qu’il a cru voir, et ce qu’il a fait. Oui, ce qui différencie les plus sensiblement les arts<br />

populaires et les œuvres des naïfs, c’est leur absence du modèle idéal, du cliché. Le naïf part<br />

d’une sensation et non d’un précepte. Celui qui a quelque peu appris les rudiments du dessin<br />

sait, déjà, à l’avance, comment s’attaquer à un détail, puisqu’il l’a vu exécuter auparavant par<br />

un autre et cet autre lui a montré comment on procède dans ce cas-là. Le naïf n’en sait rien.<br />

Toute chose sera pour lui une perpétuelle découverte, un éternel recommencement. Il<br />

prospectera autant qu’il peindra. Il n’a aucun moyen de contrôle. Et c’est certainement lui qui<br />

est dans le vrai, car l’art ne s’apprend pas. On l’emprunte bien ou mal, puisque c’est toujours<br />

la vision d’autrui que l’on s’approprie si ce n’est sa forme, vide, bien entendu, qui déjà a servi<br />

d’autres féeries désormais éteintes. Il faut être très fort et très doué pour pouvoir échapper à<br />

ces séductions faciles. Sans cela tout devient rapidement simple… Chaque artisan anonyme<br />

qui décore une assiette, qui enlumine des cartes à jouer, qui moule un pot à tabac ou un vase a<br />

un modèle devant lui. Même les graveurs des planches d’imagerie d’antan avaient quelque<br />

point de repère. Ils savaient que le corps se fait d’une telle façon, que le visage est toujours<br />

mieux de face que de profil et que la fleur est faite ainsi et pas autrement, qu’elle a tant de<br />

pétales et pas un de plus. C’étaient toujours des modèles que leur transmettaient leurs<br />

ancêtres. Certes, ils ne les copiaient pas toujours à la lettre, cela se comprend, car il n’y a<br />

guère de choses immuables. Ils changeaient légèrement le dessin, ils déplaçaient de temps en<br />

temps le contour des couleurs, mais tout cela dans un cadre déjà existant. Nul doute, que<br />

parmi les créateurs de ces prototypes, ne se trouvaient des vrais naïfs. Allez les reconnaître<br />

seulement ! Parmi tant de choses semblables… Que l’on veuille ou non, on copiait<br />

énormément à l’époque de l’artisanat. Un portrait de Bonaparte, fait par un peintre célèbre,<br />

devenait rapidement une estampe méconnaissable et anonyme ; de Lille elle se transmettait à<br />

Chartres, de Chartres à Troyes, de Troyes à Orléans, et ainsi de suite. C’était donc le manque<br />

de moyens, l’insuffisance de moyens et la routine plutôt que l’ignorance complète. Pour tout<br />

dire, il ne s’agissait donc presque jamais de la vision première. Autre preuve : toutes les<br />

images de différents pays ont leur style particulier.<br />

On peut reconnaître assez aisément, sans être un spécialiste pour cela, la perspective<br />

légèrement byzantine et la végétation bizarre singulièrement tourmentée des images russes,<br />

qui diffèrent d’images espagnoles, par exemple, où le coloris est brillant, rehaussé d’or et<br />

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