anatole jakovsky (1907/1909 ? â 1983) - Bibliothèque Kandinsky
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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />
fort ce besoin, ce désir, puisqu’ils ont peint, peint et dessiné quand même, envers et contre<br />
tout !<br />
Et l’ère des invasions dominicales commença…<br />
On dit couramment que les naïfs tous les arbres sont verts, tous les cieux sont bleus et<br />
toutes les fleurs sont roses. On le dit parce qu’on en les regarde pas assez. Pas assez<br />
attentivement. On verrait autrement que le bleu d’une toile n’est pas exactement le même que<br />
celui de la toile à côté. On s’apercevrait, également, que ce n’est plus le même temps, ni le<br />
même sentiment qui l’a inspirée. Il y a un vert pour la verdure d’aujourd’hui et un autre vert<br />
pour la verdure de demain. Certes, ce bleu d’outremer ne varie pas d’un bout à l’autre de la<br />
toile, et pour cause : les naïfs ignorent les jeux de la lumière, de même que les artifices de<br />
l’atmosphère leur sont totalement inconnus. Mais ce bleu reste et restera, cependant, un bleu<br />
très précis, le bleu du jour qui les a ravis.<br />
Il n’y a pas, et il n’y a jamais eu de peintres naïfs impressionnistes, c’est un fait. Cela<br />
s’explique assez facilement. Et tout d’abord parce qu’ils peignent comme les primitifs. Les<br />
primitifs, eux aussi, ne dessinaient que la forme spécifique des objets. Quoi d’étonnant alors<br />
que le ton local triomphe : que la perspective soit faite d’un échelonnement de plans plats et<br />
que les feuilles soient parfois plus grandes que l’arbre lui-même ! Car ce qui importe avant<br />
tout, c’est la prédominance émotionnelle, pour ne pas dire spirituelle, de tel ou tel élément et<br />
non sa position conventionnelle dans l’espace. Donc, le seigneur sera toujours plus grand que<br />
ses guerriers ou ses serfs travaillant dans les champs. Ses habits seront toujours plus beaux,<br />
plus rouges, plus éclatants… Inutile de spécifier que ce rouge va rimer avec le bleu du ciel et<br />
non avec ce qui se trouve dans le voisinage plus immédiat. La couleur en elle-même est<br />
souvent fort peu de chose pour un naïf. Elle se réduit dans la plupart des cas, au tube d’où elle<br />
sort et qu’il achète chez son marchand ; à un de ces tubes tout préparés qu’il ne mélange<br />
point, ou si rarement sur sa palette… De ce fait, elle peut-être remplacée par des grains de<br />
sable ou de la brique pilée pour faire aussi vrai que nature. Par n’importe quoi. (N’oublions<br />
tout de même pas que M. Utrillo, encore autodidacte dès ses débuts, – ajoutait déjà du plâtre<br />
dans ses couleurs de Montmartre et rêvait de lichens et de mousse… Déchelette lorsqu’il peint<br />
sur cuivre ou sur bois laisse ses matières apparentes, sans les recouvrir, exprès, du moment<br />
qu’il s’agit de la représentation du bois, du cuivre ou de l’or. Lefranc sculpte ses rochers en<br />
vrai sable et bâtit ses digues en vrai ciment. Jean-Jean compose ses marines avec des bouts de<br />
liège, des morceaux d’étoffe et de vrais coquillages.)<br />
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