anatole jakovsky (1907/1909 ? â 1983) - Bibliothèque Kandinsky
anatole jakovsky (1907/1909 ? â 1983) - Bibliothèque Kandinsky
anatole jakovsky (1907/1909 ? â 1983) - Bibliothèque Kandinsky
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />
instant le mur de la honte entre leur Dieu Rousseau et le reste de la gent naïve, sans le<br />
moindre contact avec la vie réelle, ne tenant absolument pas compte de tous ces changements<br />
et de toutes ces métamorphoses qui s’y opèrent. L’école de Hlebine les déroute. Le nombre de<br />
nouveaux naïfs, qu’ils ne connaissent que par les ouï-dire, leur fait peur. Ils en sont restés aux<br />
écrits, pas si nombreux que cela, de G. Apollinaire, de Jarry, d’André Salmon et de<br />
l’inévitable W. Uhde, vieux de plus d’un demi-siècle. Ils ne savent même pas que ce dernier<br />
n’était qu’un marchand.<br />
Cela dit, on continue comme si la terre s’était arrêtée de tourner une fois pour toutes, à<br />
ignorer non seulement la vie de Rousseau, d’autant plus que ce n’est pas le livre en question<br />
qui apportera quoi que ce soit de ce côté-là, mais aussi son œuvre, ce qui est bien plus grave,<br />
car c’est cette ignorance, précisément, qui a permis les attributions les plus invraisemblables,<br />
de même que le foisonnement de faux de ces dernières années. N’importe quelle croûte peinte<br />
entre 1850 et 1910, légèrement arrangée, devenait en un tournemain un authentique Rousseau.<br />
Un seul exemple suffit : « Le Paradis terrestre », dûment signé, pourtant, par Guiraud de<br />
Saint-Chignian, figure, comme si de rien n’était, dans ce même ouvrage !<br />
Il peut paraître incroyable, absolument inconcevable, quand on y songe, que personne,<br />
je dis bien personne, ni ses amis, ni ses admirateurs, ni ses marchands, dont ce même W.<br />
Uhde, ne se soit donné la peine de connaître Rousseau et n’ait cherché à apprendre davantage<br />
sur sa peinture. Ni Apollinaire, ni Jarry. Ce fait est significatif. Il témoigne que le pittoresque<br />
et l’anecdote, exactement ce que l’on reprochera par la suite le plus aux autres naïfs,<br />
prévalaient, et de loin, et sur son œuvre, et sur sa personne, le contraignant à rester aux yeux<br />
de ses proches comme une espèce de « Père Ubu » de la palette, tout au plus.<br />
La même chose s’est répétée pour le Facteur Cheval, personnage hors série, un<br />
créateur tout aussi important, beaucoup plus près de nous, cependant, et là, une fois de plus,<br />
on est obligé de se contenter de bavardages, de fables et de légendes. André Breton,<br />
admirateur déclaré de Chaval, aurait pu le faire, puisqu’il fut parmi les premiers à visiter son<br />
« Palais Idéal », mais non… Il s’est contenté de poser devant lui, - pour l’éternité !<br />
Maintenant, c’est trop tard. Beaucoup trop tard…<br />
Et c’est encore André Malraux, ministre de la Culture d’alors, qui l’a fait classer<br />
monument historique, et qui explicite le mieux son cas : « Qu’est-ce que le Palais Idéal ?<br />
C’est le seul exemple en architecture de l’art naïf. L’art naïf est un phénomène banal, connu<br />
de tous, mais qui n’a pas d’architecture. Lorsque vous allez à la Biennale de Paris où sont<br />
exposés actuellement entre six cents et mille tableaux, vous ne voyez de rassemblement que<br />
devant les œuvres naïves. LA vérité, c’est que l’art moderne en tant qu’art abstrait est à<br />
220