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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

images idylliques d’une vie à la fois fantastique et précise ; de Rimbert qui chante<br />

nostalgiquement le couchant, que dis-je ! tous les couchants du sixième arrondissement de<br />

Paris, où expire toute une province d’antan ; de Jules Lefranc qui lui, par contre, érige un<br />

univers de cristal où tout est fraîchement passé au ripolin et clame sa joie de vivre ; de<br />

Déchelette qui introduit la savoureuse et cocasse verve populaire, sinon l’anecdote dans tous<br />

ses sujets ; de Fous qui, seul jusqu’à présent, à su recréer l’atmosphère des « Puces » de Paris,<br />

avec leur bric-à-brac innommable et une humanité si particulière de la zone ; de F. Weil<br />

laissant jaillir ses somptueuses et pures couleurs comme des vins des grands crus, ou bien de<br />

Vandersteen changeant ces mêmes couleurs en musique ; de Lucas, enfin, et de P.-E. Pajot,<br />

anciens marins tous les deux, sachant narrer mieux que quiconque, et le plus méticuleusement<br />

surtout, et les choses de la mer, et la vie nomade de ses servants, - ce sont là, et j’en passe, des<br />

peintres autodidactes, des peintres naïfs authentiques qui toutes et tous savent rendre sensibles<br />

quelques-unes des visions qui leur tiennent le plus au cœur.<br />

Qu’importe alors si la perspective est quelquefois faussée et si la couleur n’est pas<br />

toujours nuancée et sûre ! Qu’importe, qu’importe leur ignorance ! Leurs œuvres sont<br />

vraiment visitées par l’inspiration et l’amour, dons que l’on perd si souvent lorsqu’on<br />

commence à apprendre à peindre…<br />

Que de peintres à la vision ingénue et primesautière n’ont-ils pas fini par peindre des<br />

croûtes, dès qu’ils ont commencé par s’initier aux techniques savantes ? La grâce se perd.<br />

L’ingénuité s’en va. Cet art cesse, cet art cessera immanquablement d’avoir sa raison d’être<br />

dès l’instant même où l’artiste commencera à fabriquer des tableaux en série, sans tenir<br />

compte de son instinct primitif qui l’incitait à fixer spontanément telle ou telle de ses<br />

impressions sur une toile. La fraîcheur de la vision, tout comme la fraîcheur d’une âme est,<br />

hélas ! la plupart du temps, incompatible avec la « phynance ». Puis combien d’autres peintres<br />

encore, authentiquement naïfs, n’ont-ils pas échoué en route et n’ont-ils pas fini par perdre<br />

leurs qualités dès le jour où ils se sont fait connaître et ont décidé à exploiter sciemment leur<br />

naïveté ? C’est très net et on pourrait tracer dans leurs œuvres une ligne de démarcation, avant<br />

et après le passage des marchands. C’est presque aussi décisif, aussi flagrant que le fut pour<br />

les peintres classiques d’autrefois le séjour à Rome. Là aussi il y a une partie « avant » et une<br />

partie « après ».<br />

Ainsi tous ces peintres glissant sur la pente facile du succès ne diffèrent plus en rien<br />

des milliers et des dizaines de milliers d’autres peintres qui peignent comme les autres peinent<br />

devant leur établi… Fini donc, l’âge heureux ! Finis les révélations, les éblouissements… Que<br />

reste-t-il, en fin de compte de leur peinture, de leur naïveté ? Rien ?... Si pourtant :<br />

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