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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

Surtout devant quel parterre. Un parterre qu’il n’espérait même pas réunir chez lui de son<br />

vivant. Les Delaunay, Le Corbusier, Ozenfant, Zadkine, Arp, Hélion, Survage, Herbin,<br />

Mondrian, Pevsner, bref une trentaine de personnes environ, dont ce Frédéric O’Brady,<br />

encore un hongrois, l’un des hommes les plus extraordinaires qu’il m’a été donné de<br />

rencontrer au cours de ma vie. Marionnettiste lui-même, écrivain, journaliste, acteur, et pour<br />

finir, le désopilant docteur Boldos de la Radio, un véritable homme orchestre. C’est lui qui<br />

m’a fait entrer dans le journal Bref, la guerre se continuant encore quelque part en Allemagne,<br />

le prototype de L’Express et du Nouvel Obs, le tout premier hebdomadaire français à<br />

l’américaine, dirigé par l’équipe « Les Français parlent aux Français » de la radio Londres. Ici<br />

Londres ! Vous vous souvenez ? Sur un fond de crécelle du brouillage nazi. Au pied levé, sur<br />

le coin d’une table, il pouvait écrire ainsi, en quelques minutes, des « papiers » éblouissants<br />

sur la pêche à la ligne, la philatélie, sur le Zen, sur la quadrature du Cercle, sur le Surréalisme,<br />

sur les films et sur les dernières pièces qui se jouaient alors. De plus, il était polyglotte. Moi,<br />

je m’occupais de la rubrique des arts plastiques pendant la période plutôt brève de ce journal<br />

au nom combien prophétique, hélas. Il avait pensé à moi à cause de cette conférence<br />

justement, d’autant que les critiques sans tâche, ayant collaboré peu ou prou, ne couraient pas<br />

les rues sur leurs semelles de bois de ce Paris de 1945. J’y faisais donc de la critique d’art. A<br />

ma façon. Il n’était pas question de ne parler que de l’abstraction. L’actualité m’obligeait de<br />

mentionner toutes les manifestations importantes, de signaler les nouveaux venus, Atlan,<br />

Vasarely, Lorjou, Chaissac, Dubuffet, etc., inconnus jusque là. Mais je ne le faisais pas par<br />

rapport à ce qui avait été fait avant eux, cette peinture d’avant-guerre qui a tenu le haut du<br />

pavé pendant tout le règne de Vichy ; au contraire, je les considérais à travers l’acquit de<br />

l’abstraction justement, en mettant l’accent sur l’inédit, la trouvaille, et surtout sur les qualités<br />

intrinsèques de leurs tableaux, leur quintessence. Et ce, jusqu’à ce que l’abstraction visant le<br />

pouvoir, s’est mise à dégénérer rapidement, au fur et à mesure que tous les ratés de la<br />

figuration, les sous-surréalistes compris, se reconvertissaient en hâte, afin de ne pas manquer<br />

cette universelle ruée vers l’or. Mondrian était mort à New York, <strong>Kandinsky</strong> à Neuilly et<br />

Robert Delaunay à Montpellier. Les « Trois Grands » disparus, il ne restait que de vagues<br />

laissés pour compte, les Magnelli et les Sonia Delaunay qui prenaient peu à peu l’allure de<br />

génies. A cause de leur âge. Par l’ancienneté. Les jeunes s’écartaient, les laissaient passer,<br />

aussi encombrants qu’ils étaient. Comme on cédait naguère sa place aux vieilles dames dans<br />

le Métro. Malevitch était mort aussi, le premier en 1935. Complètement oublié. Redevenu<br />

figuratif et pompier – son autoportrait, exécuté un an auparavant, l’atteste suffisamment – il<br />

n’était plus considéré chez lui, en U.R.S.S. qu’en tant que « créateur de nouvelles formes<br />

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