27.10.2014 Views

anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

satisfactions du désiré et des potentialités non encore refoulées. Tout se passe comme pendant<br />

la libération psychanalytique de la mémoire qui fait éclater, en fin de compte, la rationalité de<br />

l’individu opprimé, aliéné tout au long de sa vie, et finit par la rendre virginale. Ainsi les<br />

naïfs… Les naïfs qui se lancent de leur côté à la recherche d’un certain Dimanche de la vie,<br />

celui qui ne dure, malheureusement, que ce que durent les rêves du dimanche, comme de<br />

juste. D’où le surnom.<br />

Obligés de travailler dur, très dur les six jours d’affilée, sans air, sous les verrières<br />

tristes et sales, ils refoulaient ce faisant toutes sortes de visions interdites ; un ciel on ne peut<br />

plus bleu, des fleurs de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, des arbres au printemps, des<br />

rivières poissonneuses. Pour le Douanier Rousseau, ce fut la forêt tropicale, qu’il n’a jamais<br />

connue, mais qu’il contempla si souvent, béatement assis sur un banc du jardin des Plantes, -<br />

avec les yeux de l’âme.<br />

L’idée du bonheur est neuve en Europe, disait Saint-Just, placé à la frontière de ces<br />

deux modes de vie, entre un XVIII e siècle finissant, et ces fascinants Temps Modernes dont il<br />

n’entrevoyait, pour l’instant, que les mirages sans nuages, se transformant de nos jours en<br />

lendemains qui chantent, et le mot et le monde naïf le sont autant, ne fût-ce que pour la même<br />

raison.<br />

Au demeurant, ce bonheur individuel, auquel tout être humain a droit depuis peu, à<br />

priori le peintre naïf le recherche pour la première fois dans sa peinture, et ce bonheur-là, il<br />

est, également, à tout un chacun. La peinture peut, sinon doit être faite par toutes et par tous.<br />

Mais à quel prix ! Que de déchirements, que de drames secrets ne devine-t-on pas derrière<br />

leurs toiles ?... Séraphine et Ligabue étaient fous. O’Brady et Elena Lissia ont quitté déjà le<br />

monde où nous vivons, tout en restant encore parmi nous, tandis que la plupart des autres<br />

naïfs vivants trahissent, toutes et tous, un traumatisme quelconque, un complexe latent, se<br />

confondant ou non avec celui de leur époque. Pour les uns, c’est une fuite éperdue, une<br />

évasion, un refuge ; un moyen de se guérir pour d’autres. Et une illumination intérieure<br />

intense, une exaltation sans prix, une espèce d’extase. C’est la raison pour laquelle on se<br />

trouve en présence de tant de paysages pâmés, de tant d’objets qui lévitent.<br />

Car il ne s’agissait plus de copier servilement, de père en fils, comme le faisait jadis<br />

leurs ancêtres, mais de lutter sans cesse, d’improviser sans arrêt, de donner réellement un<br />

corps et une âme à ce qui n’existait pas avant eux, autrement dit créer. Oui, créer ! Le paysage<br />

de la ligne entre le folklore et l’art typiquement individuel, absolument personnel du naïf<br />

passe par là. De plus, il leur fallait inventer à la fois le sujet et la technique, le dessin et la<br />

211

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!