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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

Cela explique pourquoi cette chaîne ininterrompue, qui va justement des premiers<br />

tâtonnements de l’œil humain, se saisissant comme avec une main de ce qui le touche et de ce<br />

qui le ravit ici-bas, en passant par la spiritualité des Primitifs, par la rigueur des Classiques,<br />

par le souffle mystique du Baroque et par l’implacable exactitude, quasi photographique, des<br />

Réalistes, par les Impressionnistes, enfin, les derniers à faire surgir de la brume de chaleur de<br />

l’été de la Saint-Martin les contours d’un monde déjà condamné, cette chaîne-là, dis-je, vient<br />

de se rompre devant nos yeux. Brutalement. Un monde nouveau, froid, hostile et inhabité<br />

pour l’instant, se voit confronté ainsi à un vague souvenir de quelque chose de perdu, quelque<br />

chose qui se transforme en une espèce de Paradis perdu.<br />

C’est pourquoi, également, les naïfs s’efforcent, dans la mesure de leurs moyens, et<br />

sans le savoir, surtout, à leur insu, de sauver encore ce qui peut-être sauvé. Leur succès vient<br />

de là ; ne le cherchez pas ailleurs. Et comme, d’autre part, ce sont les derniers à pratiquer la<br />

peinture, et non les assemblages des différentes matières, excepté la toile et les couleurs à<br />

l’huile, ce succès ne fait que grossir de jour en jour, au fur et à mesure que l’autre art n’a plus<br />

rien à faire avec la peinture.<br />

Il ne me reste plus qu’à revenir un peu en arrière et tacher de raconter un peu plus en<br />

détail les divers avatars et les diverses péripéties de l’avènement de l’art naïf. A la préhistoire,<br />

ou peu s’en faut. Elle le mérite, ne serait-ce que du fait que, sans elle, certaines aberrations<br />

des théoriciens actuels seraient incompréhensibles.<br />

De toute façon, son histoire écrite débute par la présentation par un nommé Edouard<br />

Norès, dans le journal La Cocorico, à la date du 15 août 1900, du célèbre « Musée des<br />

horreurs » de Georges Courteline, qui constitue le tout premier texte paru dans la presse<br />

mondiale, concernant un ensemble de peintres naïfs. Avant, il n’y avait que de brefs compte<br />

rendus sur les envois de Rousseau au Salon des Indépendants. Tour à tour malveillants, ou<br />

gentiment moqueurs, comme de bien entendu.<br />

On y lit notamment : Il est chez Courteline, un trait de caractère qui, à mon sens,<br />

expliquerait l’acuité de sa vision des ridicules humains : c’est le profond attendrissement que<br />

lui procure le spectacle de ces ridicules. Observateur sagace de l’éternelle sottise, il l’aime<br />

d’un fraternel amour, il se complaît sans amertume à son contact, il en savoure dans une<br />

intime joie les manifestations diverses ; et quand il les traduit dans les inoubliables pages du<br />

Train de 8 heures 47, des Ronds de cuir, des Gaîtés de l’Escadron, ou de Boubouroche, son<br />

observation laisse percer, sous la précision du trait, l’émotion humaine de l’écrivain.<br />

Ce fut cette fibre attendrie qui vibra chez Courteline lorsqu’il fit l’acquisition du<br />

premier des tableaux qui constituent actuellement son Musée. Il se dit qu’il y aurait une<br />

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