27.10.2014 Views

anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

auraient un pied dans l’ère atomique. Mais l’ère atomique sera plus courte encore que toutes<br />

les ères qui l’ont précédée. La vitesse s’accélère à chaque changement. Non, tout ce que nous<br />

voyons est condamné, nous sommes les derniers spectateurs. On voyagera sans doute dans<br />

l’espace, mais dans un espace que nous n’imaginons que très obscurément. Et les planètes,<br />

croyez-moi, seront différentes de tout ce que nous imaginons…<br />

Tout y est en somme : le changement radical de la condition humaine, des monts et<br />

merveilles… et quelque catastrophe préalable ! Curieusement, les mêmes causes produisant<br />

les mêmes effets, les prémonitions, les pressentiments confus des dangers suspendus audessus<br />

de nos têtes, guerres, destructions massives, qu’est-ce qu’on sait ?, rendant, par<br />

conséquent, tout précaire, éphémère, passager, ne manquant pas de faire jour de plus en plus<br />

nombreux ça et là. Ainsi Paul Nizan, à l’heure de Munich, c'est-à-dire vingt-quatre ans après<br />

la préface prophétique de Guillaume Apollinaire, retrouve comme par enchantement, dans son<br />

roman La Conspiration, les accents identiques, quoique exprimés différemment, les mêmes<br />

leitmotivs sous-jacents: Une belle vie, ce serait une vie où les architectes construiraient des<br />

maisons pour le plaisir de les abattre, où les écrivains n’écriraient des livres que pour les<br />

brûler. Il faudrait être assez pur, ou assez brave, pour ne pas exiger que les choses durent…<br />

Chiche ! Et si on abattait Beaubourg, pour commencer ? Avec quelle joie…<br />

Justement, dans ce séduisant programme de Nizan manquaient des peintures et des sculptures<br />

périssables, faites pour être détruites sur le champ, dont Beaubourg est pleine à craquer.<br />

L’oserait-on seulement ?<br />

Sans doute, nous ne sommes ni aussi purs, ni aussi braves pour le faire. Du reste, Tinguely,<br />

l’un des beaux fleurons, n’a-t-il pas déjà, depuis longtemps, exaucé par avance ses vœux en<br />

créant une machine, lisez une œuvre d’art, qui se détruit elle-même ?<br />

Le voici enfin ce chef-d’œuvre qui ne dure qu’un instant, et quel spectacle magnifique que cet<br />

auto-da-fé nocturne, à l’ombre des gratte-ciels, devant un public connaisseur, trié sur le volet,<br />

où l’on voyait un tas de hippies huppés mêlés à des riches héritières de Wall Street en bluejeans<br />

! Spectacle qui coûtait une fortune, ce qui ne gâte rien…<br />

C’était donc arrivé… Plus vite que ne l’espérait Nizan. Sans qu’il eût pu en profiter, le<br />

pauvre. Deux ans plus tard, il fût tué le 23 Mai 1940, pendant la débâcle, quelque part près de<br />

Dunkerque.<br />

Oui, oui, cet âge est venu. Il est là. Nous y sommes. En plein. Jusqu’au cou. La marée<br />

continue à avancer, cependant. Tenace, régulière, insidieuse. Jusque quand ? Pour quand la fin<br />

312

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!