anatole jakovsky (1907/1909 ? â 1983) - Bibliothèque Kandinsky
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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />
Franco ! Ariba Espana ! Quelle hideuse façon de mêler la politique et le naturisme… Elles<br />
venaient sûrement d’une gentilhommière toute proche, perdue dans les arbres centenaires<br />
bruissant encore de souvenirs de la Chouannerie, et je n’ai appris que beaucoup plus tard que<br />
Apollinaire, un an avant de mourir, passa ses dernières vacances à Kervoyal.<br />
Ainsi, il m’est arrivé assez souvent de marcher sur ses traces, que ce soit à Prague, où j’ai<br />
reconnu ses traits dans les veines des agates enserrant l’anneau auquel était attaché Saint<br />
Venceslas pendant son martyre, ou dans les « fagnes » belges, à bord d’Amblève, volée de ses<br />
elfes et de ses perles, près de Stavelot et à Rome tout particulièrement, quand j’ai découvert,<br />
mais alors vraiment par hasard l’explication de son baptême dans l’église San Vito (Saint-Vit<br />
– aucun rapport avec le chien de Delaunay !) que tous ses biographes cherchaient en vain.<br />
Pourquoi, en effet, sa foldingue de mère avait-elle traversé le Tibre et plus de la moitié de la<br />
Cité Eternelle, venant de Trantevere – adresse qui figure sur l’état-civil da naissance, pour<br />
échouer précisément là, et pas dans quelque autre de ses 365 églises ? Plus belles et plus<br />
proches de son domicile? Simple comme bonjour. Il suffisait, comme je le fis, de traverser la<br />
rue pour se trouver devant une autre église presque en face, très quelconque, mais russe celleci,<br />
sur la façade de laquelle une plaque de marbre ancienne indiquait qu’elle n’était ouverte<br />
que deux jours par semaine ! Se cassant le nez, elle n’a rien trouvé de mieux que de<br />
retraverser la rue et de faire baptiser son bâtard à la sauvette. Je l’ai raconté dans un numéro<br />
spécial remarquable sur Apollinaire, édité par la revue Beauté et Savoir, en 1964, La Louvière<br />
(Belgique). Ses biographes officiels, les universitaires de carrière n’y ont pas pensé,<br />
d’ailleurs. Comment auraient-ils pu y penser puisqu’ils ne se promènent pas? Sinon, ils<br />
auraient pu remarquer un autres indice de cet atavisme certainement inconscient, d’autant que<br />
la chambre louée par Apollinaire, rue Cota à Nice, pour abriter ses amours avec Lou, se<br />
trouvait à une encablée de l’église russe… Coïncidence ? Hasard ou nécessité dont nous<br />
ignorons les lois ce qui fait que tout se tient dans la vie et que les choses se font comme elles<br />
doivent se faire ?<br />
Dans le golfe, un pêcheur désoeuvré m’a proposé de m’emmener dans sa barque dans l’île de<br />
Gavrinis, bien plus intéressante selon lui que le gigantesque menhir cassé de Locmariaquer, et<br />
le dolmen des Marchands où je comptais me rendre. Alors en route pour Gavrinis… Ce fût<br />
incontestablement l’un des plus grands évènements de ma vie.<br />
A peine franchi le seuil, les signes gravés sur les parois obscures et humides de ce dolmen,<br />
enfoui sous un tumulus m’ont sauté à la figure, saisi à la gorge, provoquant instantanément<br />
une cascade de réactions tumultueuses, se propageant à la vitesse de la lumière. Pas<br />
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