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anatole jakovsky (1907/1909 ? – 1983) - Bibliothèque Kandinsky

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La trajectoire d’un critique d’art au XXe siècle.<br />

Il ne leur restait plus que quelques rares instants de loisirs. Aussi leur amour de l'Art a dû être<br />

bien grand, leur passion du Beau bien brûlante pour qu'ils aient pu consacrer comme ils l'ont<br />

fait et comme ils le font encore, les minutes précieuses de leur liberté à peindre, à dessiner, à<br />

sculpter ou à graver, obéissant à l'impérieux besoin de créer et de se survivre.<br />

L'ère des évasions dominicales commença. Il existe un récit charmant (Courteline ?<br />

Alphonse Allais ?) de la fin du siècle dernier qui narre la vie banale d'un petit bourgeois de<br />

province. Cet homme, craignant le froid, se mettait de l'ouate dans les oreilles, des petits bouts<br />

d'ouate blanche et prosaïque tous les jours de la semaine, mais le dimanche il arborait des<br />

l'ouate rose… Tout le problème naïf est là…<br />

Oui, roses sont les roses, roses sont les nuages, roses sont les arbres et les jardins,<br />

roses sont les maisons, roses sont les saisons… roses – couleur de fête et de joie, rose comme<br />

sont le rouge et le vert, roses comme l'orange et le bleu… Rose est la vie…<br />

O cette maladresse !...Ces rêves déçus ! Bien que l'essentiel y soit exprimé…Cette<br />

émotion vraie, cette émotion inimitable, pure, chaude, humaine…Saisir…<br />

Saisir à tout prix… saisir envers et contre tout la beauté qui fuit et se dérobe à chaque<br />

pas…Saisir et fixer une fois pour toutes, cette grande fenêtre ouverte brusquement sur<br />

l'éternel dimanche que les battements hésitants des paupières ne font que rendre plus claire et<br />

plus éblouissante que jamais. Aujourd'hui chacun est devenu ce peintre naïf anonyme qui,<br />

grâce au déclic de son appareil photographique immobilise les visions chères à son cœur et<br />

arrête le temps. Pour lui, le grisaille de ses plaques est non moins rose et lui rappelle aussi un<br />

dimanche. Elle…le paysage, le soleil, les bords de l'eau… Chacun pose hiératiquement,<br />

comme jadis, pour la même éternité brève. Aussi les curieux qui viendront après nous ne<br />

pourront s'empêcher à leur tour de les trouver bien ridicules ces gens qui sont nos<br />

contemporains…<br />

La réalité seule reste et restera, le sentiment se démode. Rien n'est plus fragile que la<br />

grâce surannée. Et, les naïfs, c'est toujours un peu le passé qui gémit…<br />

Quant à la peinture soi-disant moderne, elle est encore plus noire que la grisaille de ces<br />

clichés malgré ses éclats bariolés.<br />

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