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Du stéréotype à la performance : les ... - Archipel - UQAM

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Monde est-elle moralement acceptable ou répréhensible? Puisque <strong>la</strong> réalité des Premières<br />

Nations est complexe, il n'y a pas eu de réponse défmitive <strong>à</strong> cette interrogation. En fait, ce<br />

débat sur le« sauvage» ne cesse de se retourner sur lui-même, ainsi que l'illustre Montaigne<br />

dans son essai intitulé «Des Canniba<strong>les</strong>» (livre 1, chapitre XXXI), paru pour <strong>la</strong> première<br />

fois en 1580, où il écrit (2000, p. 20) :<br />

Or je trouve[ ... ] qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage dans cette nation, <strong>à</strong><br />

ce qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas<br />

de son usage; comme il semble, au vrai, que nous n'avons d'autre mesure de<br />

<strong>la</strong> vérité et de <strong>la</strong> raison que l'exemple et l'idée des opinions et des usages du<br />

pays où nous sommes. L<strong>à</strong> est toujours <strong>la</strong> religion parfaite, <strong>la</strong> police parfaite,<br />

l'usage parfait et accompli de toutes choses. Ils sont sauvages, de même que<br />

nous appelons sauvages <strong>les</strong> fruits que <strong>la</strong> nature a produits par elle-même et<br />

par sa croissance ordinaire l<strong>à</strong> où, <strong>à</strong> <strong>la</strong> vérité, ce sont ceux que nous avons altérés<br />

par notre artifice et détournés de l'ordre conunun que nous devrions<br />

plutôt appeler sauvages.<br />

Le renversement opéré par Montaigne vise <strong>à</strong> re<strong>la</strong>tiviser <strong>la</strong> perception de <strong>la</strong> sauvagerie. Que ce<br />

soit par <strong>la</strong> supposée absence de civilisation (l'état de nature) ou par le détournement de cet<br />

état de nature, « nous sommes tous des Sauvages », pourrait-on dire en reprenant une expres­<br />

sion utilisée par Philippe J acquin dans son ouvrage intitulé Les indiens b<strong>la</strong>ncs ( 1996).<br />

Commentant l'usage du terme« barbare», Catherine Clément, spécialiste de l'œuvre de<br />

C<strong>la</strong>ude Lévi-Strauss, note avec ironie (2006, p. 61): « Barbare ressemble aux jeux d'enfants:<br />

c'est celui qui le dit qui l'est.» Clément remarque également (ibid., p. 34): «C'est un fait<br />

attesté par tous <strong>les</strong> ethnologues: pour occuper <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce, il faut déc<strong>la</strong>sser l'autre, le faire sortir<br />

de l'humanité. L'ethnocentrisme n'est pas le propre de l'Occident. Les hommes, c'est nous,<br />

disent <strong>les</strong> peup<strong>les</strong>, tous <strong>les</strong> peup<strong>les</strong>. » En effet, plusieurs nations se désignent el<strong>les</strong>-mêmes par<br />

un terme qui signifie « êtres humains » : Innus et !nuits en sont deux exemp<strong>les</strong> parmi une<br />

multitude. Pour marquer <strong>la</strong> différence entre soi et l'autre, entre «nous» et «eux», chacun,<br />

comme l'écrivait Montaigne,« appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage». On ne peut se<br />

représenter soi-même comme étant barbare ou sauvage. On réserve ces qualificatifs peu<br />

f<strong>la</strong>tteurs <strong>à</strong> l'étranger, <strong>à</strong> l'Autre, qui deviennent alors une façon de nommer <strong>la</strong> différence<br />

culturelle.<br />

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