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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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99<br />

2. <strong>Le</strong>s altérations du temps.<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

Par rapport au conte, le roman possè<strong>de</strong> la capacité d’étirer le temps, <strong>dans</strong> le jeu<br />

<strong>de</strong>s chapitres, <strong>de</strong>s séquences narratives, <strong>de</strong> leurs longueurs. Il présente <strong>de</strong> ce point <strong>de</strong> vue<br />

<strong>de</strong>s avantages intéressants, offre plus facilement la possibilité <strong>de</strong> se délivrer <strong>de</strong> la<br />

succession strictement chronologique <strong>de</strong>s faits, d’organiser par exemple <strong>de</strong>s anticipations<br />

ou <strong>de</strong>s retours temporels. Il offre plus <strong>de</strong> liberté, ainsi que le souligne <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> au<br />

début <strong>de</strong> sa préface consacrée à Henry James :<br />

Henry James a dit du roman qu’il était la plus libre, la plus souple et la plus prodigieuse <strong>de</strong>s<br />

formes littéraires ; il faut entendre le roman en tant que récit, considéré sous ses différents aspects,<br />

parmi lesquels, naturellement, le court récit, qu’on l’appelle conte ou nouvelle. Il n’y a pas <strong>de</strong><br />

différence en soi, entre le roman et la nouvelle : seulement le facteur temps agit <strong>de</strong> façons diverses<br />

<strong>dans</strong> l’un et l’autre cas et conditionne un comportement particulier en présence du problème<br />

psychologique. 193<br />

Dans les romans <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, le temps s’effiloche <strong>de</strong> différentes manières,<br />

selon trois modalités. Il peut y avoir résurgence du passé. Dans ce cas, le passé se refait<br />

actuel et vient investir et contaminer le présent. Il est possible aussi que se révèle<br />

l’existence d’une bulle temporelle. <strong>Le</strong> protagoniste quitte alors le présent et évolue <strong>dans</strong> le<br />

passé. Dans d’autres cas enfin, un temps circulaire vient se substituer au temps rectiligne.<br />

Ce sont ces trois altérations du temps que nous nous proposons d’étudier.<br />

Dans le premier cas envisagé, il y a bien irruption du surnaturel. Il s’agit <strong>de</strong> la<br />

manifestation d’un passé qui n’est pas mort, qui continue à être, et surgit <strong>dans</strong> le présent,<br />

défiant ainsi les lois du temps historique. <strong>Le</strong> passé vient s’enchâsser, s’infiltrer <strong>dans</strong> le<br />

présent et nous avons la juxtaposition <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux temps, d’où l’importance <strong>de</strong> l’évocation <strong>de</strong>s<br />

souvenirs d’enfance, et <strong>de</strong>s lieux où cette enfance s’est accomplie. Ce retour vers l’enfance<br />

suppose <strong>de</strong> la nostalgie d’un temps perdu et un phénomène <strong>de</strong> mythisation <strong>de</strong> l’enfance. Il<br />

s’agit <strong>de</strong> l’exploration d’une mémoire archaïque individuelle par l’intermédiaire <strong>de</strong> ce que<br />

<strong>Marcel</strong> Proust appelle la « déflagration du souvenir » 194 , qui sous l’impulsion d’un<br />

« détonateur analogique » 195 , une sensation visuelle par exemple, se met en mouvement et<br />

fait apparaître <strong>de</strong>s souvenirs enfouis <strong>de</strong>puis longtemps. <strong>Le</strong> temps et l’espace <strong>de</strong> l’enfance<br />

resurgissent.<br />

193 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, préface, <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Dernier <strong>de</strong>s Valerii, Paris, Albin Michel, 1984, p.7<br />

194 <strong>Marcel</strong> Proust est cité par Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972, p.56.<br />

195 Gérard Genette, Ibid., p.56.

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