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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

<strong>de</strong> voyageur et coiffé d’un chapeau à large bord. Voici comment il est décrit <strong>dans</strong> le<br />

roman : « Il avait le visage fin et aigu que l’on voit aux guerriers troyens <strong>dans</strong> les peintures<br />

<strong>de</strong> vases antiques et une étroite barbiche pointue qui se recourbait en avant » (FTA, 14).<br />

Hermès est un dieu voyageur qui veille à la circulation et aux échanges. Pendant tout le<br />

roman, il emmène lentement les personnages embarqués sur son bateau vers le village <strong>de</strong><br />

Torre <strong>de</strong>lle Anime. Hermès figure souvent sur les vases funéraires <strong>de</strong> l’antiquité<br />

accompagnant les âmes <strong>dans</strong> leur voyage vers l’au-<strong>de</strong>là. Ses interventions durant le roman<br />

font comprendre au lecteur que les différents passagers <strong>de</strong> son embarcation ont franchi le<br />

seuil <strong>de</strong> la mort, même s’ils ne paraissent pas conscients <strong>de</strong> leur état. Ce sont <strong>de</strong>s<br />

remarques glissées malicieusement <strong>dans</strong> les dialogues qui nous font comprendre que nous<br />

sommes entrés <strong>dans</strong> une temporalité différente, par exemple : « <strong>Le</strong> temps n’est plus votre<br />

affaire (…) le temps ne compte plus, et ne se compte plus » (FTA, 89), et plus loin : « Oui,<br />

ils sont morts hier soir, <strong>dans</strong> une île <strong>de</strong> la Baltique » (FTA, 178). Hermès est connu pour<br />

son inventivité et sa ruse. <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> en fait un marquis élégant, plein d’humour, qui<br />

« sourit d’un air extrêmement rusé » (FTA, 18) et tire sur sa barbiche d’un air convenu. Ses<br />

propos trahissent sa véritable nature d’être hors du temps qui, tout droit venu du mon<strong>de</strong><br />

antique, continue d’errer <strong>dans</strong> le mon<strong>de</strong> contemporain : « Que <strong>de</strong> sottises on écrit <strong>de</strong>puis<br />

« notre temps » – il fit une grimace malicieuse – (…) » (FTA, 20), et l’interprétation du<br />

narrateur va évi<strong>de</strong>mment <strong>dans</strong> le même sens : « Croyez-moi, seuls les Grecs d’autrefois ont<br />

su bien mourir, le marquis voulait dire : les Grecs <strong>de</strong> mon temps… (…) » (FTA, 21).<br />

La figure <strong>de</strong> Pan est complémentaire <strong>de</strong> celle d’Hermès. Alors qu’Hermès est<br />

révélateur <strong>de</strong> la dimension cachée du mon<strong>de</strong>. Pan, au contraire représente la nature <strong>dans</strong><br />

son exubérance visible. Dans les romans, il est présent <strong>de</strong> manière allusive, par exemple<br />

<strong>dans</strong> Nous avons traversé la montagne où le dieu est associé aux fantômes <strong>de</strong> midi, et à<br />

cette heure que les anciens Grecs appelaient « stationnaire ». Dans Un Enfant <strong>de</strong> la terre et<br />

du ciel, Pan se manifeste avec plus d’évi<strong>de</strong>nce. André Ar<strong>de</strong>n, le héros du roman, se perd<br />

<strong>dans</strong> une vallée <strong>de</strong>s Monts <strong>de</strong> Lure. Il s’endort « après midi » <strong>dans</strong> une clairière, puis <strong>dans</strong><br />

le soir rencontre un paysan, Estève, qui l’invite à passer la nuit chez lui. La rencontre d’un<br />

personnage panique se fait en trois étapes. D’abord le paysage, autour d’André Ar<strong>de</strong>n se<br />

transforme en un lieu prêt à accueillir le <strong>fantastique</strong>. <strong>Le</strong> bois <strong>dans</strong> lequel André Ar<strong>de</strong>n s’est<br />

endormi <strong>de</strong>vient un « bois sacré », le paysage <strong>de</strong>vient « plus âpre, plus profond, plus<br />

sauvage » (ETC, 300) à mesure que le jour baisse. Puis le paysan, une fois chez lui, raconte<br />

à <strong>de</strong>mi-mot sa rencontre avec le dieu Pan. André Ar<strong>de</strong>n remarque une image fixée au<strong>de</strong>ssus<br />

<strong>de</strong> la cheminée découpée <strong>dans</strong> un journal, représentation d’une statue <strong>de</strong> Pan qui,<br />

affirme André Ar<strong>de</strong>n, se trouve au musée d’Athènes, décrite <strong>de</strong> la manière suivante :

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