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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

<strong>Le</strong> voyage est une plongée hors du temps et <strong>de</strong> l’espace ordinaires. <strong>Le</strong>s lieux<br />

franchis sont <strong>de</strong>s lieux frontières. De la même manière, nous sommes sur une frontière<br />

temporelle. Cela apparaît sous la forme d’une intuition : « (…) l’idée incongrue m’avait<br />

assailli que le paysage traversé par le train avait disparu, remplacé par un vi<strong>de</strong> inquiétant<br />

où ne vivent plus le temps ni l’espace (…) » (FTA, 86). Cette intuition est confirmée par<br />

Ermete qui commente le récit : « <strong>Le</strong> temps n’est plus votre affaire, <strong>de</strong> la mienne non plus »,<br />

et plus loin <strong>dans</strong> le récit : « Au cours <strong>de</strong> cette durée qui se soustrayait à la mesure ordinaire<br />

<strong>de</strong>s heures, (…) » (FTA, 118).<br />

<strong>Le</strong>s objets viennent se positionner à <strong>de</strong>s endroits-clés du labyrinthe. <strong>Le</strong>urs<br />

fonctions sont évi<strong>de</strong>mment multiples. Certains sont chargés <strong>de</strong> vertus <strong>fantastique</strong>s,<br />

introduisent <strong>dans</strong> un jeu <strong>de</strong> forces inconnues et baignent <strong>dans</strong> une atmosphère maléfique.<br />

<strong>Le</strong>s lampes ont du mal à éclairer les alentours, et la faible lumière contraste avec la lumière<br />

vive qui éclaire la scène <strong>de</strong> la rencontre avec la femme inconnue. Cette lumière est<br />

tellement forte qu’elle en <strong>de</strong>vient surnaturelle. La couleur grise s’impose, contraste avec<br />

les couleurs <strong>de</strong>s maisons, roses et jaunes, au milieu <strong>de</strong>squelles glisse le burchiello. À ces<br />

gris s’ajoutent <strong>de</strong>s couleurs ambiguës : les portes <strong>de</strong> la gare sont « vert-<strong>de</strong>-gris », la rue a<br />

un crépi « jaunâtre », la lumière est tamisée par un abat-jour « verdâtre ». On notera la<br />

présence répétée du miroir 427 . Mais c’est surtout le livre que lit la femme inconnue qui est<br />

objet <strong>fantastique</strong>. C’est « un drôle <strong>de</strong> petit volume », un « livre-pont », comportant <strong>de</strong>s<br />

gravures anciennes en taille-douce. L’homme du train le consulte et une image l’arrête,<br />

celle d’un enfant penché par-<strong>de</strong>ssus un bassin qui regar<strong>de</strong> son reflet. Il comprend que<br />

chaque épiso<strong>de</strong> du livre appartient à sa vie passée, et que chaque image le représente <strong>dans</strong><br />

<strong>de</strong>s instants majeurs <strong>de</strong> son existence. <strong>Le</strong> livre est le reflet d’une vie, thème <strong>fantastique</strong>, qui<br />

pose le problème <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong> l’auteur. <strong>Le</strong>s pages qui <strong>de</strong>vraient présenter ce qui va<br />

suivre sont blanches. La possibilité que la femme inconnue soit l’auteur du livre est<br />

suggérée, mais cela reste à l’état <strong>de</strong> questionnement : « Était-ce elle qui avait recensé les<br />

heures capitales <strong>de</strong> ma vie passée ? » (FTA, 98). <strong>Le</strong> problème <strong>de</strong>meure non résolu.<br />

Tous les événements racontés semblent s’enchaîner selon les lois du hasard, <strong>de</strong><br />

ces « beaux hasards <strong>de</strong>s trains et <strong>de</strong>s bateaux, riches <strong>de</strong> tous les avantages <strong>de</strong> l’imprévu et<br />

du sans-len<strong>de</strong>main » (FTA, 94). <strong>Le</strong>s lieux paraissent proposés par <strong>de</strong>s circonstances<br />

427 Au seuil <strong>de</strong> son livre Labyrinthe <strong>de</strong> l’art <strong>fantastique</strong>, op. cit., p.9, Gustav René Hocke évoque la « magie<br />

du miroir », et son étu<strong>de</strong> commence ainsi : « <strong>Le</strong> poète Paul Éluard, le plus « visuel » <strong>de</strong>s surréalistes<br />

européens, termine son poème Mourir par ces mots :<br />

Entre les murs l’ombre est entière<br />

Et je <strong>de</strong>scends <strong>dans</strong> mon miroir<br />

Comme un mort <strong>dans</strong> sa tombe ouverte. »<br />

Une fin <strong>de</strong> poème qu’il est saisissant <strong>de</strong> mettre en parallèle avec notre épiso<strong>de</strong>.

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