27.12.2013 Views

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

417<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

ancienne, celle <strong>de</strong>s peuples primitifs ou pour le Moyen-âge, et accor<strong>de</strong>nt une importance<br />

particulière à l’enfance, l’inconscient, la rêverie, le rêve éveillé, le rêve nocturne. <strong>Le</strong> rêve,<br />

en particulier est installé <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s lointains hors d’atteinte, comme l’affirme Hoffmann :<br />

Je ne parle pas du rêve qui surgit en nous lorsque nous sommes couchés sous la moelleuse<br />

couverture du sommeil. Non, je parle <strong>de</strong> ce rêve que nous rêvons pendant toute la vie, ce rêve qui<br />

souvent prend sur ses ailes le far<strong>de</strong>au douloureux <strong>de</strong>s choses terrestres et <strong>de</strong>vant lequel s’éteignent<br />

toute souffrance, toute amertume, toute lamentation et toute plainte d’un espoir déçu, car ce rêve<br />

lui-même, comme un rayon du ciel allumé <strong>dans</strong> notre poitrine, nous promet la réalisation <strong>de</strong><br />

l’infini <strong>de</strong> nos désirs 643 .<br />

Une relation s’établit entre le rêve et l’infini, l’illimité, l’absolu, puisque le rêve<br />

est l’acte <strong>dans</strong> lequel s’abolissent les catégories logiques, les distances rationnelles. Cette<br />

idée d’infini, <strong>dans</strong> l’histoire <strong>de</strong> la littérature, ne disparaît pas. Elle continue à hanter le<br />

champ <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>rnité, et le <strong>fantastique</strong> contemporain. Il suffit <strong>de</strong> penser aux sentiers<br />

ouverts par les rêves borgesiens ou kafkaiens.<br />

<strong>Le</strong> texte littéraire ne dispose pas <strong>de</strong> moyens i<strong>de</strong>ntiques à ceux qui sont offerts par<br />

l’architecture. Il utilise néanmoins, nous l’avons vu, les effets <strong>de</strong> lumière, les couleurs, la<br />

scénographie, installe <strong>de</strong>s ornements, <strong>de</strong>s objets, utilise la présence d’œuvres d’art, prend<br />

appui sur une mythologie qui ravit le lecteur. Mais comment donner l’idée <strong>de</strong> départ vers<br />

les lointains, si importants <strong>dans</strong> les romans <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, l’effet <strong>de</strong> lointain étant chez<br />

lui inséparable <strong>de</strong> l’effet <strong>fantastique</strong> ?<br />

<strong>Le</strong> lecteur doit renoncer à ce qui est clos, à ce qui enferme, s’éloigner du<br />

raisonnable, du quotidien, doit se libérer <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> pensée habituels, et grâce à son<br />

imagination, accepter le <strong>fantastique</strong> et rejoindre le surnaturel. Il part vers <strong>de</strong>s temps et <strong>de</strong>s<br />

espaces illimités, passe d’un réel communément admis à un réel qui a changé <strong>de</strong> nature. Il<br />

doit abandonner le sens <strong>de</strong> la mesure, admettre la présence <strong>de</strong> personnages <strong>fantastique</strong>s, se<br />

positionner sur un territoire <strong>de</strong> marges. Par la magie du texte, l’écrivain <strong>fantastique</strong> abolit,<br />

d’une certaine manière tous les plafonds, et propose, comme est capable <strong>de</strong> le faire un<br />

architecte, une véritable « machine à rêver » 644 .<br />

<strong>Le</strong>s personnages <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> viennent <strong>de</strong> loin, et laissent beaucoup <strong>de</strong><br />

choses <strong>de</strong>rrière eux. L’utilisation répétée du plus-que-parfait en témoigne, en particulier<br />

<strong>dans</strong> les incipit : « Je m’étais aventuré <strong>dans</strong> cette région, à la recherche <strong>de</strong> fresques<br />

manichéennes dont on m’avait signalé l’existence », dit le narrateur <strong>de</strong> La Ville <strong>de</strong> sable<br />

qui s’est déjà éloigné <strong>de</strong> ce « on » indéfini qui n’a plus d’importance. « <strong>Le</strong> concierge <strong>de</strong><br />

643 Ibid., p.63. Hoffmann est cité par <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>.<br />

644 Ibid., p.289.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!