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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

impénétrable dont je n’osais pas m’approcher quand je me promenais <strong>dans</strong> les bois pouvant être<br />

celui où Viviane tient Merlin captif <strong>dans</strong> sa « prison d’air ». (CPI, 37)<br />

Un ensemble est ainsi composé « à perte <strong>de</strong> mémoire » (CPI, 39). <strong>Le</strong> héros<br />

brionien est un personnage très cultivé pour qui la culture fait partie intégrante <strong>de</strong> la vie.<br />

Tous les romans renferment <strong>de</strong> nombreuses allusions au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’art, <strong>de</strong> la peinture, <strong>de</strong><br />

la littérature, <strong>de</strong> la musique. La disponibilité <strong>fantastique</strong> est matérielle, physique et<br />

intellectuelle. <strong>Le</strong>s héros dont la culture est si vaste ressemblent à <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> lui-même,<br />

curieux <strong>de</strong> tout. Dans le corps <strong>de</strong>s romans, ainsi que <strong>dans</strong> les épigraphes, est donc<br />

convoquée toute une gran<strong>de</strong> famille d’écrivains, d’artistes et <strong>de</strong> personnages <strong>de</strong> fiction.<br />

Dans <strong>Le</strong> Château <strong>de</strong> la princesse Ilse sont cités par exemple George, Gongora, Hamlet,<br />

Haydn… À cela s’ajoute toutes les allusions implicites, à commencer par celle qui<br />

concerne la poésie <strong>de</strong> Heinrich Heine. « <strong>Le</strong> poète allemand qui célébrait avec un lyrisme<br />

insensé, la splen<strong>de</strong>ur magique <strong>de</strong> l’almandin » 476 (CPI, 53) est très certainement E.T.A.<br />

Hoffmann. Lors <strong>de</strong> la « Fête <strong>de</strong>s Éléments » célébrée par les « Fils <strong>de</strong>s Étoiles » est<br />

chantée une strophe qui donne au narrateur une impression <strong>de</strong> « déjà entendu » : « Terre, ô<br />

ma Mère, et toi mon Père, souffle du Vent, et toi, Feu, mon ami et toi, d’un même sang, ô<br />

Fleuve, et toi, Ciel, mon Frère, à tous je dis avec respect un amical merci, vous avec qui<br />

j’ai vécu ici-bas… » (CPI, 194). « Peu à peu, affirme le narrateur, je reconstituais ce texte<br />

sublime et l’image <strong>de</strong> la femme qui l’avait écrit m’apparut : gran<strong>de</strong>, belle, majestueuse :<br />

une statue antique drapée <strong>de</strong> rouge. Je voyais quelque part, <strong>dans</strong> sa main, ou à côté d’elle<br />

un poignard » (CPI, 195). <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> fait allusion à l’œuvre <strong>de</strong> Caroline <strong>de</strong> Gün<strong>de</strong>ro<strong>de</strong>,<br />

à son suici<strong>de</strong>, à la place aussi que tient la couleur rouge <strong>dans</strong> ses poèmes et <strong>dans</strong> sa vie 477 .<br />

476 <strong>Le</strong> mot « almandin » apparaît <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s mines <strong>de</strong> Falun [die Bergwerke zu Falun, 1813-1815], d’E.T.A.<br />

Hoffmann, Paris, Aubier Montaigne, 1942, p.340 : « Unten in <strong>de</strong>r Tiefe liegt in Chlorit und Glimmer<br />

eingeschlossen <strong>de</strong>r kirschrot funkeln<strong>de</strong> Almandin, auf <strong>de</strong>n unsere <strong>Le</strong>benstafel eingegraben (…) ». « Là-bas,<br />

au fond, emprisonnée <strong>dans</strong> la chlorite et le mica, repose l’almandine au scintillement rouge vif sur laquelle<br />

est gravée notre Table <strong>de</strong> vie ». L’ambition <strong>de</strong>s mineurs, précise <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> <strong>dans</strong> L’Allemagne romantique,<br />

op. cit., tome 2, p.194, est d’apercevoir parmi les filons explorés « la pierre précieuse par excellence,<br />

l’alcmandie ». « On remarquera d’abord que, <strong>dans</strong> le symbolisme <strong>de</strong>s couleurs particulier à Hoffmann, le<br />

rouge signifie toujours la suprême excellence, la puissance suprême (…). <strong>Le</strong> rouge joue, chez Hoffmann, le<br />

même rôle que le bleu chez Novalis. La conquète <strong>de</strong> l’alcmandie, « plus beau que la plus belle escarboucle<br />

pourprée », sera donc l’instrument <strong>de</strong> la puissance souveraine, et les runes mystérieuses qui y gravent le<br />

tableau <strong>de</strong> notre vie résoudront toutes les énigmes <strong>de</strong> l’existence, résumeront en chiffre la parfaite<br />

connaissance <strong>de</strong>s secrets <strong>de</strong> la nature ».<br />

477 Voir à ce sujet <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, L’Allemagne romantique, tome 1, op. cit., p.299. <strong>Le</strong> même texte écrit par<br />

Caroline <strong>de</strong> Gün<strong>de</strong>ro<strong>de</strong> est cité. Dans le roman, <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> ajoute juste les majuscules pour lui donner plus<br />

<strong>de</strong> solennité. Il s’agit <strong>de</strong> l’épitaphe que Caroline a composée le jour <strong>de</strong> sa mort, le 27 juillet 1806. Pour ce qui<br />

est <strong>de</strong> la place que tient le rouge <strong>dans</strong> sa poésie : « C’est une robe rouge qu’elle a revêtue pour son suici<strong>de</strong>,<br />

c’est la rougeur <strong>de</strong> l’aube et la rougeur du crépuscule qui constituent les <strong>de</strong>ux colonnes sur lesquelles repose<br />

la courbe <strong>de</strong> la vie, vie <strong>de</strong> l’individu et vie du jour. Elle a écrit, au temps où elle aimait Savigny, un poème où<br />

le rouge intérieur est singulièrement évoqué » (p.322).

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