27.12.2013 Views

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

380<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

revêtue <strong>de</strong> miroirs comme la fameuse chambre conçue par Léonard <strong>de</strong> Vinci. Nous<br />

sommes arrivés au centre d’un labyrinthe où les visiteurs contemplent leurs propres images<br />

indéfiniment répétées.<br />

La baraque <strong>de</strong> foire présente, par rapport au théâtre, <strong>de</strong>s avantages. <strong>Le</strong>s scènes<br />

peuvent ici se succé<strong>de</strong>r, s’emboîter, ce qui donne au lecteur une plus gran<strong>de</strong> impression <strong>de</strong><br />

cheminement en profon<strong>de</strong>ur. Encore une fois, nous passons d’un lieu clos à une chambre<br />

qui paraît « immense ». Interroger les pierres et les miroirs est une manière d’interroger<br />

son propre <strong>de</strong>stin, et cela suppose un parcours intérieur qui va <strong>de</strong> l’angoisse à la révélation:<br />

Paralysés par la surprise et la crainte, la princesse et son fils crispaient leurs mains sur les<br />

accoudoirs <strong>de</strong>s fauteuils. Ils regardaient venir à eux et s’éloigner leurs propres images<br />

indéfiniment multipliées, et rejetées par les miroirs. <strong>Le</strong> vertige provoqué par le tournoiement <strong>de</strong>s<br />

prismes éblouissants annulait leur volonté, et cette sorte <strong>de</strong> bien-être, que doit procurer la<br />

sensation <strong>de</strong> l’anéantissement <strong>de</strong> toute volonté, les plongeait <strong>dans</strong> un engourdissement qui faisait<br />

succé<strong>de</strong>r à l’angoisse <strong>de</strong>s premières impressions, un état <strong>de</strong> sommeil luci<strong>de</strong>, si l’on peut<br />

rapprocher ces <strong>de</strong>ux mots. <strong>Le</strong> chant <strong>de</strong> nombreux cristaux, frottés ou heurtés les uns contre les<br />

autres, escortait le rythme tantôt alangui, tantôt précipité <strong>de</strong>s miroirs tournants. (MG, 17)<br />

« On ne <strong>de</strong>vrait jamais montrer ces choses-là », dit la mère du prince, et elle fait<br />

fermer le len<strong>de</strong>main la baraque <strong>de</strong> foire. Pour le Prince, il s’agit d’une préfiguration <strong>de</strong> son<br />

voyage <strong>dans</strong> le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s pierres, un passage <strong>de</strong>s miroirs aux gouffres, et d’une<br />

découverte du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la musique qui lui ouvrira les portes d’un univers infini. L’espace<br />

théâtral va, <strong>dans</strong> la suite du roman, <strong>de</strong>venir profon<strong>de</strong> réalité vécue.<br />

3. Un metteur en scène extérieur.<br />

<strong>Le</strong> théâtre, le cirque, la foire constituent <strong>de</strong>s thèmes privilégiés. Mais <strong>dans</strong> les<br />

romans, il y a une mise en spectacle permanente. La représentation investit alors le récit<br />

<strong>dans</strong> sa totalité, et c’est le roman qui <strong>de</strong>vient scène <strong>fantastique</strong>, où se déroulent une<br />

succession <strong>de</strong> pièces emboîtées. <strong>Le</strong>s séquences sont annoncées, <strong>dans</strong> L’Ombre d’un arbre<br />

mort, par un ensemble <strong>de</strong> phrases, isolées par <strong>de</strong>s blancs, qui donnent l’impression d’un<br />

enchaînement <strong>de</strong> scènes, d’indications qui seraient données par un narrateur extérieur ou<br />

un récitant : « …planter un arbre mort… » (OAM, 31) ; « Terence Fingal avait déjà vu<br />

Georgiana : ils avaient l’un et l’autre dix ans – ou onze ans… Ils avaient rendu visite,<br />

ensemble, à l’Arbre Mort. » (OAM, 41) ; « … Après la visite à la chambre d’Hadès, ils se<br />

retrouvèrent à Castlemorleigh où Terence Fingal fut invité. Ils <strong>de</strong>vinrent amants et se<br />

donnèrent ren<strong>de</strong>z-vous en divers lieux du mon<strong>de</strong>… » (OAM, 47), et ainsi <strong>de</strong> suite. Ces<br />

phrases jouent le rôle <strong>de</strong> poteaux indicateurs, positionnent le lecteur au seuil <strong>de</strong> carrefours<br />

spatio-temporels, <strong>de</strong> labyrinthes extérieurs et intérieurs : « et d’autres villes, encore ;

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!