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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

musique se mêle à la nuit. <strong>Le</strong> narrateur, qui souhaite se rendre au pavillon <strong>de</strong> musique se<br />

lève, et après avoir obtenu une vague indication donnée par Marianne, s’engage sur le<br />

sentier. La musique se tait alors, effaçant tout repère. <strong>Le</strong> narrateur court le risque <strong>de</strong> se<br />

perdre <strong>dans</strong> les ténèbres, l’ombre constituant un véritable « seuil ». Il est prêt à renoncer<br />

lorsque la musique retentit à nouveau. Mais cette musique est <strong>de</strong>venue voix, et par rapport<br />

à la musique, elle possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>s qualités propres, <strong>de</strong>s accents d’autorité et <strong>de</strong> passion, et <strong>de</strong>s<br />

qualités spatiales particulières : « On eût dit qu’elle montait jusqu’aux étoiles et s’étalait<br />

sur toute la voûte du ciel » (CO, 79). D’autre part, la voix <strong>de</strong>vient gui<strong>de</strong>, infiniment plus<br />

précieux et efficace que ne l’a été Marianne par un geste évasif. Associée à une autre voix,<br />

celle <strong>de</strong> la flûte, elle conduit le personnage :<br />

J’allais, ainsi, vers la voix, aussi calme, aussi assuré que si l’on me tenait la main, et quand la voix<br />

se tut et que la flûte reprit le thème dont elle nouait les fils d’argent, une nouvelle lumière éclaira<br />

le sentier et je m’avançai, plus vite, joyeusement. Je me serais mis à courir, impatient que j’étais<br />

comme un enfant, si je n’avais pas craint que cette hâte excessive brisât l’enchantement, effondrât<br />

le pont sonore sur lequel je marchais. (CO, 80)<br />

<strong>Le</strong> narrateur est mis <strong>dans</strong> la position d’un enfant. On note aussi le retour discret,<br />

par l’intermédiaire <strong>de</strong> la thématique du fil, du motif du labyrinthe. Au sein <strong>de</strong> ce<br />

labyrinthe, la voix constitue un pont qui va permettre <strong>de</strong> rejoindre la société <strong>de</strong>s âmes en<br />

peine. La musique a une fonction <strong>de</strong> médiatrice et <strong>de</strong> conductrice vers un autre univers.<br />

Ermete, <strong>dans</strong> La Fête <strong>de</strong> la Tour <strong>de</strong>s Âmes, est lui aussi conducteur <strong>de</strong>s âmes.<br />

C’est donc lui qui donne à la musique son sens caché : D’après lui, c’est Schubert qui<br />

exprime le mieux l’imaginaire <strong>de</strong> la mort, et il se met à chantonner « les premières mesures<br />

du Quatuor sublime entre toutes les sublimités <strong>de</strong> la musique occi<strong>de</strong>ntale ». Là aussi, la<br />

musique <strong>de</strong>vient voix : « Écoutez ces <strong>de</strong>ux voix, si simples, si dignes. L’une se plaint et<br />

l’autre, qui pourrait menacer, rassure et console » (FTA, 21). La musique traverse<br />

l’ensemble du roman. <strong>Le</strong>s passagers que le marquis emmène avec lui assistent au concert<br />

donné par le septuor <strong>de</strong>i riflessi <strong>dans</strong> une villa <strong>de</strong> Vénétie. Pendant le concert, <strong>de</strong>s formes<br />

humaines se dégagent <strong>de</strong>s miroirs et traversent la salle, et le compositeur lui-même,<br />

Stefano, mort pourtant une cinquantaine d’années auparavant, apparaît, enfant, adolescent,<br />

adulte. La musique, pour le narrateur <strong>de</strong>vient secondaire : « La valeur musicale du Septuor<br />

<strong>de</strong> Stefano <strong>de</strong>ll’ Aria n’a rien à faire <strong>dans</strong> mon histoire » (FTA, 69). Il cesse <strong>de</strong> s’intéresser<br />

aux musiciens, les écoute distraitement. <strong>Le</strong>s violons commencent une « longue phrase<br />

solennelle et triste, rappelant un rythme <strong>de</strong> marche funèbre », dit le narrateur, et Ermete<br />

corrige ces propos, parlant <strong>de</strong> « marche résurrectionnelle ». Nous sommes emmenés ainsi<br />

vers un contexte mythologique qui ouvre soudain l’espace :

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