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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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Aux différents seuils sont livrées <strong>de</strong>s paroles oraculaires, celles <strong>de</strong>s <strong>de</strong>vins,<br />

passeur, gui<strong>de</strong> afghan, berger… « Qui sait » dit l’aubergiste au début du roman, et Berg<br />

formule la même question qui clôture le roman : « Qui le sait ? ». <strong>Le</strong> roman est jalonné <strong>de</strong><br />

paroles oraculaires et d’avertissements, qui sont autant <strong>de</strong> paroles ouvertes sur une autre<br />

réalité.<br />

<strong>Le</strong> récit <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong> Berg montre à quel point ce personnage est lié à l’ouvert. Il<br />

s’avance, au chapitre neuf, sur un glacier dont les crevasses sont « pareilles à <strong>de</strong>s trappes<br />

<strong>de</strong> caves entrebâillées » (NATM, 256). <strong>Le</strong> glacier qui <strong>de</strong>vrait être le lieu <strong>de</strong> l’enfermement<br />

s’ouvre sur d’autres espaces. Berg est « attentif à un appel qui viendrait <strong>de</strong>s nuages ou<br />

d’au-<strong>de</strong>ssous du glacier ». Il perçoit un bruit confus qui fait penser « à <strong>de</strong>s échos<br />

d’instruments jouant très loin et <strong>dans</strong> une salle haute et profon<strong>de</strong> d’au-<strong>de</strong>ssous du sol ». La<br />

glace <strong>de</strong>vient miroir, et sur cette surface lui apparaît l’image et le souvenir <strong>de</strong> Grim, un<br />

petit chien blanc mort autrefois sous ses yeux. Berg le suit, et ce qui était « trappe <strong>de</strong><br />

cave » <strong>de</strong>vient « seuil d’une faille plus large que les autres, haute comme une porte <strong>de</strong><br />

cathédrale », « vi<strong>de</strong> étincelant <strong>de</strong> reflets verts, <strong>de</strong>rrière lesquels chuchotaient <strong>de</strong>s eaux<br />

invisibles », et <strong>de</strong>rrière lui se referme « la porte <strong>de</strong> glace » (NATM, 262).<br />

La montagne est alors lieu ouvert, possè<strong>de</strong> un espace intérieur, et si nous nous<br />

plaçons d’un point <strong>de</strong> vue mythologique <strong>de</strong>vient le domaine du centre, un creux à visiter.<br />

Elle fait l’objet d’un double mouvement : celui qui pousse l’être à grimper vers <strong>de</strong>s<br />

hauteurs redoutable, et celui qui consiste à <strong>de</strong>scendre vers le mon<strong>de</strong> souterrain et à<br />

l’explorer.<br />

Dans <strong>Le</strong> Château <strong>de</strong> la princesse Ilse, l’installation du paysage associe la<br />

montagne, le lac et la forêt, éléments considérés comme complémentaires. <strong>Le</strong> lac est une<br />

figure du fermé, une « eau close » (CPI, 13). À ce cercle répond celui <strong>de</strong>s montagnes qui<br />

signifient au contraire « le perpétuellement ouvert, l’infiniment ouvert : l’univers lumineux<br />

du ciel serti entre les montagnes contrastant avec cette coupe d’eau dont on perçoit trop<br />

vite le fond, l’infiniment obscur » (CPI, 15-16). Mais comme <strong>dans</strong> l’univers <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong><br />

<strong>Brion</strong>, rien n’est définitivement fermé, le lac, à la faveur <strong>de</strong> la nuit, re<strong>de</strong>vient un lieu ouvert<br />

qui « paraît se rétrécir pour <strong>de</strong>venir seulement la bouche sombre qui s’ouvre sur le chemin<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>scente vers le centre ténébreux » (CPI, 15).<br />

De la même manière, la forêt peut <strong>de</strong>venir un espace <strong>de</strong> révélation. S’engager<br />

<strong>dans</strong> la forêt, c’est entrer <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s ténèbres inquiétantes, mais en même temps, la marche,<br />

la progression à l’intérieur <strong>de</strong> la forêt doit conduire à un lieu <strong>de</strong> lumière, clairière ou autel-00699768,<br />

version 1 - 21 May 2012<br />

entame la vieille comptine <strong>de</strong>s jeux enfantins, am stram gram, pic et pic et colégram, bourre et<br />

bourre et ratatam… Personne ne rit (…). (NATM, 215)

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