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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

<strong>de</strong> Un Enfant <strong>de</strong> la terre et du ciel (ETC, 171), gardant à l’esprit la prière que Socrate<br />

adressait au Grand Pan : « Cher Pan, et vous, divinités <strong>de</strong> ces lieux, donnez-moi la beauté<br />

intérieure, et que l’extérieur soit en harmonie avec l’intérieur » 598 .<br />

Beaucoup <strong>de</strong> personnages, Kalkeidos, Beatus Muller ou encore La Moscovite<br />

éprouvent une véritable passion pour les pierres, comprises comme êtres <strong>fantastique</strong>s.<br />

Formées par le feu <strong>de</strong> la terre, elles constituent le point d’aboutissement d’un long<br />

processus <strong>de</strong> métamorphoses. Werner raconte l’histoire <strong>de</strong> leurs longues mutations <strong>dans</strong><br />

<strong>Le</strong>s Miroirs et les gouffres. Son approche est celle du géologue romantique. À côté <strong>de</strong> lui,<br />

Borchardt sait que les pierres ne sont pas seulement matière ou symboles mais <strong>de</strong>s êtres<br />

vivants. Tout comme les marionnettes, elles sont enfermées <strong>dans</strong> le silence et portent en<br />

elles le besoin <strong>de</strong> se débarrasser <strong>de</strong> leur gangue. La Moscovite, <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Château <strong>de</strong> la<br />

princesse Ilse se prend <strong>de</strong> passion pour les cristaux que les montagnards rapportent <strong>de</strong> leurs<br />

expéditions en montagne, et pour elle, les pierres sont « les purs enfants <strong>de</strong> la chair et du<br />

feu <strong>de</strong> la terre » (CPI, 54). Elle interroge le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s pierres non pas en partant d’une<br />

attitu<strong>de</strong> utilitaire ou scientifique, mais <strong>dans</strong> la position d’une communiante qui cherche à<br />

découvrir leur vie profon<strong>de</strong> :<br />

Mais ce qui était nouveau pour elle et provoquait sa stupéfaction, c’était la manière dont les<br />

limpi<strong>de</strong>s cristaux sortaient <strong>de</strong> la pierre vulgaire qui avait protégé leur croissance comme une<br />

matrice humaine, et c’était cela aussi qui donnait aux petites familles d’êtres éblouissants blottis<br />

<strong>dans</strong> le giron d’une mère aussi grossièrement différente d’eux <strong>dans</strong> son essence, cet aspect<br />

mystérieux et cette séduction qui paraissaient accompagnés <strong>de</strong> mille petites voix chantant tout bas.<br />

(CPI, 52)<br />

<strong>Le</strong>s verbes utilisés, les substantifs, les adjectifs se rapportent plus à <strong>de</strong>s êtres<br />

vivants qu’à <strong>de</strong>s objets. Beatus Muller, <strong>dans</strong> L’Ermite au masque <strong>de</strong> miroir accor<strong>de</strong> autant<br />

d’importance aux pierres sans valeur qu’aux pierres précieuses : « Je me suis toujours lié<br />

d’amitié avec les cailloux » (EMM, 164), dit-il, et cette amitié s’enrichit <strong>de</strong> pitié lorsque,<br />

enfant, il se rend compte que les êtres humains les regar<strong>de</strong>nt « <strong>de</strong> haut », avec une attitu<strong>de</strong><br />

d’indifférence (EMM, 164).<br />

<strong>Le</strong> <strong>fantastique</strong> <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> ne va pas sans l’expression constante d’un<br />

immense amour qui s’exprime <strong>dans</strong> toute son œuvre. Liliane <strong>Brion</strong> parle <strong>de</strong> « vénération<br />

höl<strong>de</strong>rlinienne <strong>de</strong>s éléments », et aussi <strong>de</strong> « compassion franciscaine pour tout ce qui vit et<br />

598 L’expression « beauté intérieure » apparaît <strong>dans</strong> Un Enfant <strong>de</strong> la terre et du ciel (p.171). La prière <strong>de</strong><br />

Socrate est citée <strong>dans</strong> un autre livre <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> : Laurent le magnifique, Paris, Albin Michel,<br />

1937, p.129.

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