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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

labyrinthe caractérise les « forces universelles », renvoie à la « mystérieuse énergie<br />

spirituelle » du mon<strong>de</strong>. Tenter <strong>de</strong> l’appréhen<strong>de</strong>r, c’est essayer <strong>de</strong> comprendre l’agencement<br />

« sur-réel du mon<strong>de</strong> », le tissage du cosmos, le « revers <strong>de</strong> la trompeuse réalité<br />

naturelle » 421 .<br />

Dans les romans <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, le labyrinthe du mon<strong>de</strong> se déploie tantôt <strong>de</strong><br />

manière horizontale, tantôt <strong>de</strong> manière verticale, et il s’élargit aux dimensions du paysage.<br />

C’est ce que révèle le moine défroqué aux voyageurs <strong>de</strong> Nous avons traversé la montagne :<br />

Vous tournerez en cercle, avec les hasards suspects et fatidiques d’une contrée qui a la<br />

physionomie d’un labyrinthe, sans plus rencontrer la porte par laquelle vous êtes entrés et qui doit<br />

être, par conséquent, votre porte <strong>de</strong> sortie. (NATM, 62)<br />

Nous avons en effet <strong>dans</strong> ce roman la mise en place d’un labyrinthe composé<br />

d’un entrelacs <strong>de</strong> chemins « sinueux », et d’une succession <strong>de</strong> plans et d’espaces, dont les<br />

cartes sont impuissantes à rendre compte. <strong>Le</strong>s routes constituent un ensemble <strong>de</strong> pistes et<br />

<strong>de</strong> carrefours, une sorte <strong>de</strong> réseau, <strong>de</strong> toile infinie qui traverse <strong>de</strong>s plaines illimitées et <strong>de</strong>s<br />

massifs montagneux.<br />

Ces routes ne sont pas sans rapport avec le trajet existentiel <strong>de</strong>s personnages euxmêmes,<br />

ainsi que le suggère Gabrielle Dufour-Kowalska : « La ligne brisée, à la fois<br />

insouciante et tortueuse, capricieuse et retors, engendre le dédale, symbole <strong>de</strong> la « ligne du<br />

<strong>de</strong>stin » 422 . <strong>Le</strong> labyrinthe trouve sa représentation symbolique <strong>dans</strong> le jeu d’échecs. <strong>Le</strong>s<br />

voyageurs atteignent <strong>de</strong>s régions fréquentées par <strong>de</strong>s caravanes qui s’entrecroisent sur un<br />

« échiquier <strong>de</strong> bourga<strong>de</strong>s » (NATM, 47). À cette image du jeu d’échecs s’ajoute celle <strong>de</strong> la<br />

marelle, métaphore du trajet suivi <strong>dans</strong> l’existence humaine :<br />

Voyez, dit Berg : <strong>de</strong>s enfants sautant à cloche-pied franchissent les cases <strong>de</strong> la marelle, <strong>dans</strong> la<br />

rue, <strong>de</strong>vant la maison, poussant un vieux tesson <strong>de</strong> poterie. Ils vont <strong>de</strong> l’Enfer au Paradis sans se<br />

soucier <strong>de</strong> ce qui se passe <strong>dans</strong> la Maison. (NATM, 29)<br />

Plus loin <strong>dans</strong> le roman, l’image <strong>de</strong> la marelle revue en rêve est associée <strong>de</strong><br />

manière explicite au thème du labyrinthe :<br />

(…) je vois un préau d’école <strong>de</strong> village et <strong>de</strong>s gamins qui jouent silencieusement ; d’après leurs<br />

sautillements, je <strong>de</strong>vine : la marelle. On me comman<strong>de</strong> <strong>de</strong> reproduire sur le tableau noir le contour<br />

<strong>de</strong> la marelle <strong>de</strong>ssinée par eux sur les dalles <strong>de</strong> la cour ; l’enfer et le ciel à leur juste place,<br />

m’enjoint-on, et les boyaux du labyrinthe <strong>dans</strong> tous leurs détours. (NATM, 171)<br />

<strong>Le</strong> motif jalonne le roman et se retrouve à la fin <strong>dans</strong> le récit du rêve <strong>de</strong> Graham<br />

qui reprend <strong>de</strong> manière symbolique le parcours effectué par les voyageurs <strong>dans</strong> le roman.<br />

421 Ibid., p.106-111.<br />

422 Gabrielle Dufour-Kowalska, « L’énigme du centre », <strong>dans</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, les chambres <strong>de</strong> l’imaginaire,<br />

op. cit., p.172.

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