27.12.2013 Views

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

322<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

considérer le mot comme un « mot signe désignant une <strong>de</strong>s aspirations les plus hautes <strong>de</strong><br />

l’homme, ce mélange d’espoir et <strong>de</strong> rêve, d’alternance d’enthousiasme et <strong>de</strong> mélancolie, ce<br />

ressort majeur du génie <strong>de</strong> vivre : l’Élan » (VM, 15-16). Ce niveau d’analyse ésotérique<br />

nous conduit à la phrase <strong>de</strong> Thérèse d’Avila, mise aussi en italique : « Soyez <strong>de</strong>s êtres <strong>de</strong><br />

désir » qui fait <strong>de</strong> l’être humain un être qui <strong>dans</strong> son intime profon<strong>de</strong>ur a soif d’infini.<br />

La phrase est elle aussi à l’image du labyrinthe parcouru, ceci parfois dès<br />

l’incipit :<br />

Ilse était ce que l’on pourrait appeler une enfant trouvée, mais une enfant trouvée a d’abord été<br />

une enfant perdue et si c’est l’hôte du Calice d’Or – l’auberge où je loge à Saint-Géréon – qui l’a<br />

découverte un matin d’été alors qu’il allait pêcher <strong>de</strong> très bonne heure – emmaillotée et déposée<br />

sur le banc <strong>de</strong> l’embarcadère, personne ne sait, ni ne peut savoir qui l’a perdue. (CPI, 11)<br />

Cette phrase à tirets et à tiroirs est caractéristique <strong>de</strong> l’écriture labyrinthique, où<br />

se trouvent mêlés, dès le début du récit, l’imparfait, le conditionnel présent, le passé<br />

composé, le présent ! Ce mélange <strong>de</strong>s temps se poursuit <strong>dans</strong> la suite du roman. Nous<br />

pouvons faire les mêmes remarques au sujet du premier paragraphe d’Algues qui annonce<br />

l’entrée <strong>dans</strong> la ville labyrinthique. Elle décrit un cheminement qui doit mener au parc<br />

d’attractions nommé le « Paradis » :<br />

Traverser la place du Marché-aux-Paniers, passer <strong>de</strong>vant la cathédrale Saint-Gustave – c’est<br />

l’église dont le clocher est formé <strong>de</strong> trois dragons entrelacés, une curiosité mondialement connue<br />

–, suivre le long quai <strong>de</strong>s Tilleuls jusqu’à une placette sans nom – les gens du quartier disent place<br />

aux Choux, mais ce n’est pas officiel –, et puis la gran<strong>de</strong> avenue, toute droite, jusqu’au Paradis :<br />

c’est le parc d’attractions dont je vous ai parlé. (A, 11)<br />

La phrase est longue, entretrecoupée <strong>de</strong>ux fois <strong>de</strong> tirets, <strong>de</strong> remarques faites par le<br />

concierge <strong>de</strong> l’hôtel. <strong>Le</strong>s énoncés entre tirets permettent <strong>de</strong> produire un effet <strong>de</strong><br />

vraisemblance et jouent un rôle important : elles introduisent la présence d’un animal<br />

surnaturel d’une part, et d’autre part évoquent l’existence et la possibilité d’un discours<br />

non officiel. <strong>Le</strong>s verbes choisis pour décrire le mouvement <strong>dans</strong> la ville sont à l’infinitif :<br />

« traverser », « passer », « suivre », verbes très brioniens auxquels il est possible <strong>de</strong> donner<br />

un double sens ; un sens littéral, et un sens symbolique, si le lecteur les rattache au<br />

contexte d’un parcours initiatique. Durant tout le roman, le narrateur a le souci <strong>de</strong> décrire<br />

l’itinéraire suivi. La mise en place <strong>de</strong> ces premiers éléments <strong>de</strong>scriptifs permet <strong>de</strong> faire<br />

apparaître un mot-clé : « entrelacs » qui sera répété plusieurs fois par la suite. Nous entrons<br />

au milieu d’une conversation entre le narrateur et le concierge, qui a déjà commencé, ainsi<br />

que l’indique le changement <strong>de</strong> temps : « c’est le parc d’attraction dont je vous ai parlé »,<br />

et préfigure <strong>de</strong>s événements à venir : « La fête sera particulièrement joyeuse, je vous l’ai<br />

dit » (A, 11). <strong>Le</strong> but <strong>de</strong> l’itinéraire est le « Paradis », avec majuscules, et ce mot prend une

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!