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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

Ma mémoire avait gardé le souvenir <strong>de</strong>s obstacles, <strong>de</strong>s déroutements, <strong>de</strong>s bifurcations, et je<br />

retraçais tout cela aussi exactement que je pouvais me les rappeler. Lorsque le <strong>de</strong>ssin était achevé,<br />

il me paraissait toujours avoir, plus ou moins nettement, la physionomie géométrique d’un<br />

labyrinthe tel que la tradition le décrit, au large espace vi<strong>de</strong> restant réservé au centre <strong>de</strong><br />

l’entrelacement <strong>de</strong>s chemins. (CPI, 257-258)<br />

<strong>Le</strong> narrateur se trouve <strong>dans</strong> la situation d’un autre personnage brionien qui<br />

apparaît <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Virtuoso du labyrinthe 407 . <strong>Le</strong> conte met en scène un homme occupé à<br />

téléphoner <strong>dans</strong> une cabine publique. Ennuyé par son interlocuteur, il se met à griffonner<br />

sur un vieil annuaire, et trace <strong>de</strong>s cercles concentriques, une spirale, et ses <strong>de</strong>ssins<br />

<strong>de</strong>viennent <strong>de</strong> plus en plus complexes. Rentré chez lui, il reprend son <strong>de</strong>ssin et le<br />

perfectionne.<br />

<strong>Le</strong> narrateur, en dépit <strong>de</strong> ses efforts, ne parvient pas au centre, et laisse Ilse<br />

rejoindre seule le château auquel elle appartient. Il en est autrement du héros <strong>de</strong> Château<br />

d’ombres. En compagnie <strong>de</strong> Marianne, il accè<strong>de</strong> au château, désert à ce moment là, et<br />

pénètre d’abord <strong>dans</strong> un grand vestibule. Il s’apprête à gravir l’escalier qui mène aux<br />

étages supérieurs, mais éprouve une certaine crainte à s’engager : « Je fus tenté (…) <strong>de</strong><br />

grimper l’escalier en trois bonds, <strong>de</strong> m’échapper <strong>dans</strong> l’entrelacs <strong>de</strong>s salles inconnues »<br />

(CO, 172). <strong>Le</strong> terme « entrelacs » est significatif et fonctionne comme un signal. Marianne<br />

lui fait visiter une partie du château, mais cette première découverte est décevante, trop<br />

rapi<strong>de</strong> et superficielle. Marianne, en tant que gui<strong>de</strong> imparfait, disparaît <strong>dans</strong> la lingerie et<br />

laisse le narrateur libre <strong>de</strong> ses mouvements. Il se trouve alors confronté à une « vaste<br />

<strong>de</strong>meure » (CO, 179). « Comment m’orienter (…), dit-il, <strong>dans</strong> cette immense <strong>de</strong>meure<br />

inconnue ? » (CO, 180). Un effet <strong>de</strong> sur-dimensionnement est obtenu par l’utilisation <strong>de</strong><br />

l’adjectif « immense » déjà rencontré, <strong>de</strong> même que par les juxtapositions : « Je (…)<br />

traversai un long vestibule noir et blanc, puis un salon rose et argent, puis un cabinet à<br />

porcelaines, puis un petit salon laqué » (CO, 181), par l’utilisation <strong>de</strong> l’article partitif,<br />

indéfini : « Il y avait <strong>de</strong>s chambres (…) et d’autres (…) ». Une partie seulement d’un vaste<br />

ensemble est explorée. Ces chambres sont en relation avec une mémoire. <strong>Le</strong> narrateur ne<br />

s’intéresse pas aux objets eux-mêmes, à leur beauté, leur rareté. Il ne vient pas là en<br />

curieux : « Faire le tour du château en touriste, en étranger, me paraissait sacrilège » (CO,<br />

176). <strong>Le</strong>s objets sont liés à la vie <strong>de</strong>s occupants du château, et le visiteur se sent attiré par<br />

les tableaux, les miroirs et les portraits, c'est-à-dire les objets susceptibles <strong>de</strong> révéler une<br />

intériorité, <strong>de</strong> se peupler, <strong>dans</strong> une perspective <strong>fantastique</strong>, <strong>de</strong> souvenirs. Tout est marqué<br />

par l’espace : « Je pensais à toutes ces chambres fermées, là-haut, à ces salons que j’avais<br />

407 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, <strong>Le</strong>s Ailleurs du temps, Paris, Albin Michel, 1987, p. 157 à181.

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