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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

tout aussi vraies, prennent autant d’importance que celles qui sont faites à l’état <strong>de</strong> veille,<br />

si bien que <strong>dans</strong> le récit les différents domaines ten<strong>de</strong>nt à se confondre.<br />

<strong>Le</strong> Märchen peut-il prendre la dimension d’un roman ? C’était l’ambition d’un<br />

Novalis pour qui le roman <strong>de</strong>vait évoluer vers le conte 671 . Nous pourrions en trouver <strong>de</strong>s<br />

exemples chez Chamisso ou Hoffmann, mais le roman <strong>fantastique</strong> se développe peu, et<br />

lorsque plus tard Hofmannsthal crée à son tour <strong>de</strong>s Märchen, leur dimension n’excè<strong>de</strong><br />

guère celle du conte.<br />

Nous retrouvons <strong>dans</strong> l’univers du Märchen beaucoup d’éléments auxquels nous<br />

nous sommes intéressés jusqu’à présent, mais il est évi<strong>de</strong>nt que les romans <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong><br />

<strong>Brion</strong> ne sont pas <strong>de</strong>s Märchen. <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> écrit à une autre époque. <strong>Le</strong> Märchen<br />

appartient historiquement à une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> la littérature. Il est d’autre part un genre très<br />

majoritairement court, et surtout il reste lié à <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> culture orale et conserve<br />

quelque chose <strong>de</strong> la naïveté populaire. Cependant, <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> se sert <strong>de</strong> l’esprit et <strong>de</strong><br />

l’esthétique du Märchen, et l’incorpore <strong>dans</strong> un contexte <strong>fantastique</strong>. Il utilise le terreau du<br />

merveilleux et du <strong>fantastique</strong>, si bien que l’on trouve <strong>dans</strong> ses romans <strong>de</strong>s séquences<br />

narratives qui s’apparentent au Märchen, et qui pourraient même venir prendre place <strong>dans</strong><br />

un recueil <strong>de</strong> contes. C’est le cas, pour les exemples les plus frappants, du chapitre quatre<br />

du Château <strong>de</strong> la princesse Ilse et du chapitre vingt-trois <strong>de</strong>s Vaines Montagnes.<br />

Dans l’histoire que raconte le narrateur du Château <strong>de</strong> la princesse Ilse, l’effet <strong>de</strong><br />

lointain est obtenu grâce au lieu <strong>de</strong> l’action : la haute montagne, vers laquelle la<br />

« Moscovite » dirige ses regards :<br />

Elle sort et marche le long du lac, s’arrête <strong>de</strong> temps en temps, regar<strong>de</strong> <strong>de</strong>rrière elle les maisons du<br />

village et leurs petits jardins, plus loin <strong>dans</strong> la vallée, les champs, les forêts, les éboulis <strong>de</strong> rochers<br />

jetés du haut <strong>de</strong>s montagnes par d’antiques avalanches. Enfin les montagnes. Neiges, glaciers,<br />

arêtes tranchantes, flèches plantées <strong>dans</strong> le ciel (…) (CPI, 56)<br />

<strong>Le</strong>s opérateurs topologiques « <strong>de</strong>rrière », « plus loin », créent un effet<br />

d’éloignement. <strong>Le</strong> regard <strong>de</strong>scriptif s’éloigne, monte, passe <strong>de</strong>s bords du lac et atteint<br />

« enfin » les régions du ciel. Puis le regard <strong>de</strong> la « Moscovite » plonge <strong>dans</strong> l’invisible :<br />

« Ce qui l’occupe, c’est l’invisible puisque les chasseurs <strong>de</strong> cristaux sont trop loin » (CPI,<br />

56). Deux lieux éloignés l’un <strong>de</strong> l’autre, montagne et ville, s’opposent. <strong>Le</strong>s chasseurs <strong>de</strong><br />

pierres apportent leur butin à la ville afin <strong>de</strong> les vendre. La « Moscovite » elle-même va<br />

671 Voir à ce sujet Ricarda Huch, Die Romantik, Tübingen, Rainer Wun<strong>de</strong>rlich Verlag, 1951, p.228 :<br />

« Novalis’ Ansicht, <strong>de</strong>r Roman müsse Märchen wer<strong>de</strong>n, ist nicht so überspannt, wie man zunächst <strong>de</strong>nken<br />

möchte ». (« L’idée <strong>de</strong> Novalis selon laquelle le roman <strong>de</strong>vrait <strong>de</strong>venir conte, n’a en soi rien d’exagéré,<br />

comme on pourrait le penser au premier abord »). <strong>Le</strong> texte <strong>de</strong> Ricarda Huch est traduit par André Babelon,<br />

<strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s romantiques allemands, Pandora Éditions, 1978). <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> confirme : « Heinrich von<br />

Ofterdingen est un märchen étendu aux dimensions d’un roman (…) », <strong>dans</strong> Schumann, op. cit., p.276.

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