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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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400<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

intérieurs, <strong>de</strong>s espaces clos, délimités et fermés. Ces espaces sont souvent <strong>de</strong>s salons où<br />

l’on est susceptible <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> la musique, ce qui renforce l’impression d’isolement, d’un<br />

mon<strong>de</strong> qui se suffit à lui-même. Dans ces espaces sont introduits <strong>de</strong>s miroirs, et par<br />

conséquent, <strong>dans</strong> un mon<strong>de</strong> stable, quotidien, est installé le mouvant, le mouvement,<br />

l’indétermination <strong>de</strong>s formes et la transformation <strong>de</strong> la lumière. Samuel Van Hoogstraten<br />

s’est beaucoup interrogé sur les techniques <strong>de</strong> représentation <strong>de</strong> l’espace. Il compose <strong>de</strong>s<br />

boîtes optiques qui, grâce à une disposition particulière <strong>de</strong> miroirs donne l’illusion<br />

d’espaces infinis ouverts <strong>dans</strong> toutes les directions. Ces effets obtenus <strong>dans</strong> les boîtes sont<br />

appliqués à la peinture. Ceci est caractéristique, nous explique <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> <strong>dans</strong> L’âge<br />

d’or <strong>de</strong> la peinture hollandaise, <strong>de</strong> l’esprit d’une époque. Hoogstraten propose l’image<br />

d’un espace intime rompu, fragmenté par <strong>de</strong>s départs <strong>de</strong> perspectives qui dirigent le regard<br />

et la pensée vers les lointains. L’espace clos est orienté vers l’ouvert. Cela crée une<br />

« atmosphère d’irréalité », à la frontière du réel et du rêve et provoque une inquiétu<strong>de</strong>, car<br />

un univers sans fin est suggéré, dont les composantes s’agencent et s’emboîtent les unes<br />

<strong>dans</strong> les autres 630 .<br />

<strong>Le</strong> miroir sicilien dont parle Ermete <strong>de</strong>i Marmi, <strong>dans</strong> L’Ombre d’un arbre mort,<br />

gar<strong>de</strong> en mémoire les reflets que les choses ont laissés en lui :<br />

Sa forme et son métal faisaient penser à un bouclier, et les choses qui y déposaient leur reflet<br />

s’étonnaient <strong>de</strong> ce que leurs « doubles » vécussent d’une vie nouvelle, respirassent, aurait-on dit,<br />

plus amplement, plus profondément, installés <strong>dans</strong> une dimension <strong>de</strong> l’éternité d’où l’éloignement<br />

même <strong>de</strong> l’objet réel ne pouvait plus les déloger après qu’ils s’y fussent incrustés, comme si<br />

l’acuité même <strong>de</strong> cette plaque luisante, légèrement bombée, parcourue <strong>de</strong> secrètes vibrations,<br />

avait pu, contre leur gré les y retenir. (OAM, 180)<br />

La phrase est longue, durant laquelle le « bouclier » miroir prend <strong>de</strong> la profon<strong>de</strong>ur<br />

et révèle une autre dimension spatiale et temporelle. Ce miroir est entouré <strong>de</strong> plusieurs<br />

autres petits miroirs peints qui représentent « <strong>de</strong>s scènes <strong>de</strong> la vie populaire et<br />

aristocratique » (OAM, 181). Dans le texte, ce qui est donné tout d’abord comme relevant<br />

<strong>de</strong> la représentation accè<strong>de</strong>, par étapes successives, au statut <strong>de</strong> réel. <strong>Le</strong> lecteur entre <strong>dans</strong><br />

un univers qui n’est pas seulement visuel mais sonore : « Peut-être le peintre s’était-il<br />

amusé à transcrire <strong>de</strong>s scènes <strong>de</strong> théâtre, car les personnages gesticulaient en outrant leurs<br />

passions ; au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> leurs mimiques silencieuses, on <strong>de</strong>vinait <strong>de</strong>s exclamations, poussées<br />

par <strong>de</strong> petites voix grasses ou pointues, <strong>de</strong>s cris que le miroir avait assourdis d’abord puis<br />

fixés <strong>dans</strong> la peinture » (OAM, 181-182). Présentant <strong>de</strong>s surfaces peintes, le miroir se<br />

L’apparition <strong>de</strong>s anges, par exemple, chez Rembrandt, <strong>dans</strong> une atmosphère <strong>de</strong> clair-obscur, est chargée <strong>de</strong><br />

<strong>fantastique</strong>.<br />

630 Voir illustration 29.

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