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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

sanctuaire ancien <strong>dans</strong> lequel se trouve une statue <strong>de</strong> Bouddha, équivalent <strong>de</strong>s objets sacrés<br />

dont le novice <strong>de</strong>vait être entouré <strong>dans</strong> les rites initiatiques anciens. <strong>Le</strong> narrateur entre en<br />

contact avec <strong>de</strong>s puissances sacrées :<br />

Un bouddha, entouré d’anges volants, me souriait avec une calme et grave douceur (…). Je<br />

m’endormis <strong>de</strong> bonne heure, bercé par le rythme <strong>de</strong> prières et <strong>de</strong> chants qui avaient retenti jadis<br />

<strong>dans</strong> cette monacale <strong>de</strong>meure. (VS, 12)<br />

Dans les religions à mystères, les mythes orientaux, les mythes éleusiniens, la<br />

grotte est le lieu <strong>de</strong> l’initiation par excellence 347 . Chez les pythagoriciens, l’initié <strong>de</strong>vait<br />

passer trois jours et trois nuits à l’intérieur <strong>de</strong> la terre. <strong>Le</strong> néophyte <strong>de</strong>vait s’installer <strong>dans</strong><br />

l’obscurité pour revenir ensuite <strong>dans</strong> la lumière. <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> connaissait très bien ce<br />

symbolisme <strong>de</strong> la grotte. Il en parle à différentes reprises, en particulier <strong>dans</strong> L’Allemagne<br />

romantique : « La grotte symbolisait pour toutes les sociétés <strong>de</strong> mystère, la matrice, le<br />

« sein <strong>de</strong> la mère » au creux duquel s’élabore et se prépare à la naissance l’homme<br />

nouveau » 348 . C’est précisément le temps que passe le narrateur <strong>dans</strong> la grotte,<br />

correspondant à une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> « noviciat » (VS, 22).<br />

Dans un <strong>de</strong>uxième temps, le narrateur connaît une mort symbolique. Il entre <strong>dans</strong><br />

un état particulier, à la lisière <strong>de</strong> la veille et du sommeil, <strong>de</strong> la veille et du rêve : « Je<br />

m’endormis <strong>de</strong> bonne heure (…). Tout cela traversa mes rêves (…). Un instant, j’hésitai<br />

entre le rêve et la pleine conscience » (VS, 12-13). Cet état intermédiaire signifie rupture.<br />

L’être rationnel, l’archéologue qui relève méthodiquement les fresques et tire déjà <strong>de</strong>s<br />

conséquences <strong>de</strong> son observation, laisse la place à celui qui perçoit avec l’ensemble <strong>de</strong> ses<br />

sens en éveil les prières et les chants d’autrefois et se retrouve, accompagné <strong>de</strong> musique et<br />

<strong>de</strong> chants <strong>dans</strong> un état embryonnaire.<br />

L’entrée en initiation prend une allure dramatique. Une tempête contraint le<br />

narrateur à <strong>de</strong>meurer longtemps <strong>dans</strong> la grotte. Cette tempête joue un rôle important <strong>dans</strong><br />

la mise en place du décor <strong>fantastique</strong>. Elle efface les points <strong>de</strong> repère rassurants et génère<br />

<strong>de</strong> l’inquiétu<strong>de</strong> chez le narrateur :<br />

La seule inquiétu<strong>de</strong> que j’avais était que les nuages <strong>de</strong> sable soulevés par le vent ne recouvrissent<br />

les chemins qui <strong>de</strong>vaient me ramener à K… (…). Comment retrouverai-je mon chemin, <strong>dans</strong> ce<br />

pays dont l’aspect s’est tellement modifié ? (VS, 13,15)<br />

La tempête brouille les pistes, au sens propre comme au sens figuré, transforme le<br />

mon<strong>de</strong> en chaos, métamorphose le paysage, l’espace et le temps. Il s’agit d’un élément<br />

nécessaire, auquel s’ajoute la nuit. Nuit et vent multiplient leurs effets, et le vent<br />

347 On trouvera <strong>dans</strong> les romans <strong>de</strong> nombreuses allusions aux mythes éleusiniens, en particulier <strong>dans</strong><br />

L’Ermite au masque <strong>de</strong> miroir (p.162), <strong>dans</strong> Algues (p. 105-107)…<br />

348 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, L’Allemagne romantique, op. cit., p.35.

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