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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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forme, laquée <strong>de</strong> vert et <strong>de</strong> noir, qui possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux grands yeux aux paupières bridées qui<br />

gui<strong>de</strong>nt l’embarcation. <strong>Le</strong> navire, au même titre que le burchiello <strong>de</strong> La Fête <strong>de</strong> la Tour<br />

<strong>de</strong>s Âmes, est un véhicule <strong>fantastique</strong> orienté vers les territoires <strong>de</strong> l’invisible. Assez vite,<br />

le récit se charge d’un contenu allégorique. L’histoire met en scène « l’inapaisable douleur<br />

<strong>de</strong>s hommes », ce que Bau<strong>de</strong>laire appelait spleen (VM, 268). La nostalgie est une mémoire<br />

douloureuse <strong>de</strong> ces îles inaccessibles, absolu dont l’accès <strong>de</strong>meure impossible. L’homme,<br />

<strong>dans</strong> sa condition d’exilé, rongé par l’enchantement mélancolique, doit s’efforcer <strong>de</strong> vivre,<br />

les yeux tournés vers ces contrées incertaines qu’il sait à jamais lointaine.<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

L’esthétique du Märchen se rapproche <strong>de</strong> la musique, en tant qu’effort fait « pour<br />

atteindre l’infini » 672 . Pierre Brunel, <strong>dans</strong> un chapitre intitulé « Un andante d’outretombe<br />

» fait <strong>de</strong>s rapprochements intéressants entre le roman Nous avons traversé la<br />

montagne et le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la musique, surtout avec les Märchenlie<strong>de</strong>r, les<br />

Märchenerzählungen et les Phantasiestücke <strong>de</strong> Schumann 673 . Pour lui, « il est clair (…)<br />

que Nous avons traversé la montagne est un roman schumannien, et le plus schumannien<br />

qui soit » 674 . Il pense que <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, en organisant son roman en onze séquences, utilise<br />

la technique <strong>de</strong> la variation schumannienne libre et capricieuse, et cite Joël-Marie Fauquet<br />

pour qui cette technique est comme « le vagabondage <strong>de</strong> l’imagination <strong>dans</strong> un cadre<br />

formel strict » 675 . On ne peut manquer d’être frappé par l’importance que prend l’univers<br />

musical <strong>dans</strong> l’œuvre <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>. Wenzel en particulier, <strong>dans</strong> Nous avons traversé la<br />

montagne, se souvient <strong>de</strong>s leçons <strong>de</strong> piano qu’il a suivies enfant chez Maître Pibram,<br />

lorsqu’il tentait <strong>de</strong> jouer la « Sonate posthume » <strong>de</strong> Schubert (NATM, 229). Il est aussi un<br />

personnage capable <strong>de</strong> percevoir la « voix propre » <strong>de</strong> chaque vallée <strong>de</strong> montagne (NATM,<br />

197). Dans les autres romans, nous retrouvons <strong>de</strong> nombreuses allusions à la musique <strong>de</strong><br />

Schubert, et au vaste mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la musique. C’est cette dimension musicale du <strong>fantastique</strong><br />

<strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> que nous voulons explorer maintenant. Dans sa capacité <strong>de</strong> transport vers<br />

le lointain, la musique permet le lien avec <strong>de</strong>s forces surnaturelles.<br />

672 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Schumann et l’âme romantique, op. cit., p.77.<br />

673 Pierre Brunel, « Un andante d’outre-tombe », <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s arpèges composés, Paris, Klincksieck, 1997, p.113<br />

à 123. Pierre Brunel précise <strong>dans</strong> une note que les Märchenlie<strong>de</strong>r « constituent l’op. 113 <strong>de</strong> Schumann et<br />

datent <strong>de</strong> 1851. Ce sont, écrit <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, « <strong>de</strong>s histoires <strong>fantastique</strong>s ». <strong>Le</strong>s Märchenerzählungen<br />

constituent l’op. 132 <strong>de</strong> Schumann, <strong>de</strong> 1853, les Phantasiestücke, les op. 12, 88, 73, 111.<br />

674 Ibid., p.118.<br />

675 Ibid., p.119.

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