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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

Une partie <strong>de</strong> lui-même a envie <strong>de</strong> s’installer <strong>dans</strong> le parc, <strong>de</strong> rester, l’autre préférerait<br />

s’enfuir. L’être qui se défait et se dissout, c’est l’homme <strong>de</strong> raison qui laisse la place à<br />

celui qui obéit à ses pressentiments, prêt à s’abandonner aux sortilèges. Dans la suite du<br />

rêve, il est fait allusion au décor nocturne, au ciel étoilé, déjà décrit au début du roman<br />

(CO, 27). <strong>Le</strong> rêve va plus loin <strong>dans</strong> la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s constellations qui s’accompagnent<br />

d’ « images <strong>de</strong> bêtes, <strong>de</strong> dieux, d’objets » (CO, 162) qui donnent au ciel une dimension<br />

mythologique et le ren<strong>de</strong>nt « indéchiffrable ». La disparition du ciel signifie la fin du rêve,<br />

et les figures <strong>de</strong>viennent « absur<strong>de</strong>s et muettes », comme si, alors que le rêve se défait, les<br />

éléments <strong>de</strong> révélation re<strong>de</strong>venaient soudain inaccessibles.<br />

<strong>Le</strong> narrateur glisse alors <strong>dans</strong> un troisième rêve, en lien avec le passé mais aussi<br />

avec l’avenir. <strong>Le</strong> rêve se relie à l’épiso<strong>de</strong> du bassin, <strong>dans</strong> lequel le narrateur aperçoit le<br />

visage <strong>de</strong> la jeune fille (CO, 73-74). Dans le rêve, le bassin est un puits, le rêve permettant<br />

une plongée à l’intérieur <strong>de</strong>s choses. <strong>Le</strong>s parois du puits sont tapissées <strong>de</strong> velours et <strong>de</strong> cuir<br />

<strong>de</strong> Cordoue. Au fond du puits, le héros retrouve le visage <strong>de</strong> la jeune fille qu’il voudrait<br />

attirer vers lui. « Quelque chose » tombe <strong>de</strong> l’ouverture du puits qui ressemble à <strong>de</strong> la<br />

neige. Ces différents motifs annoncent <strong>de</strong>ux épiso<strong>de</strong>s futurs et ont donc une dimension<br />

prophétique. <strong>Le</strong> premier est le moment où le héros visite le château et entre <strong>dans</strong> la<br />

chambre <strong>de</strong> la jeune fille. <strong>Le</strong> velours et le cuir laissent la place aux mousselines et aux<br />

damas. <strong>Le</strong> motif <strong>de</strong> la neige est repris par la présence <strong>de</strong> la couleur blanche. La chambre<br />

est d’ailleurs comparée à un « champ <strong>de</strong> neige » (CO, 184). Dans le rêve, le héros <strong>de</strong>scend<br />

<strong>dans</strong> le puits « à la recherche d’un objet égaré ». Peut-être s’agit-il <strong>de</strong> la bague <strong>de</strong> cornaline<br />

découverte plus tard <strong>dans</strong> la chambre. L’autre épiso<strong>de</strong> se situe plus loin <strong>dans</strong> le récit,<br />

lorsqu’enfin, au lieu <strong>de</strong> percevoir <strong>de</strong>s reflets, le héros voit réellement le visage <strong>de</strong> la jeune<br />

fille. Il est fait alors <strong>de</strong> nouveau allusion au jour où il l’a aperçue <strong>dans</strong> le bassin. À<br />

nouveau, comme <strong>dans</strong> le rêve, le héros se sent vaciller :<br />

En la regardant, j’avais l’impression <strong>de</strong> me pencher sur un puits, pour contempler une image<br />

lointaine et profon<strong>de</strong> qui flottait sur une eau ténébreuse. Je <strong>de</strong>scendais lentement, comme si mes<br />

mains s’accrochaient encore à une cor<strong>de</strong>, <strong>dans</strong> un gouffre au fond duquel grondait un torrent<br />

souterrain, et pendant tout le temps que dura cette <strong>de</strong>scente, la jeune fille, immobile, ne me quitta<br />

pas du regard. Enfin, elle soupira, et avec un choc ru<strong>de</strong>, je touchai le fond. (CO, 214-215)<br />

Nous voyons comment les images qui se sont entrelacées <strong>dans</strong> le rêve continuent<br />

d’être opérantes durant l’ensemble du roman. Cela donne l’impression que les rêves ne<br />

s’arrêtent jamais, que le réel et les différents <strong>de</strong>grés <strong>de</strong>s rêves s’interpénètrent sans cesse.<br />

<strong>Le</strong>s rêves sont en lien avec ce qui s’est déjà produit et sont annonciateurs d’épiso<strong>de</strong>s à<br />

venir, situés <strong>dans</strong> un temps et un espace qui s’éternisent.

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