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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

<strong>Le</strong>s personnages viennent <strong>de</strong>s lointains, et repartent vers les lointains. La femme<br />

rencontrée par le prince disparaît « comme au fond d’un abîme » (MG, 86). En fin <strong>de</strong><br />

roman, le départ au loin prend différentes formes.<br />

Souvent, le protagoniste revient vers son point <strong>de</strong> départ. Il reste « <strong>de</strong> ce côté-ci ».<br />

Ce qui s’est passé durant tout le roman s’éloigne <strong>dans</strong> les contrées du souvenir. Ainsi<br />

commence la <strong>de</strong>rnière séquence narrative <strong>de</strong> Villa <strong>de</strong>s Hasards : « Aujourd’hui regardant<br />

<strong>de</strong>rrière moi le séjour que j’ai fait, à une certaine pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> ma vie, <strong>dans</strong> la Villa <strong>de</strong>s<br />

Hasards (…) » (VH, 181). <strong>Le</strong> narrateur s’éloigne, mais il s’est transformé. Il s’est éloigné<br />

<strong>de</strong> lui-même, du personnage déjà ancien qu’il était au début <strong>de</strong> l’histoire, et aussi <strong>de</strong> la<br />

façon <strong>de</strong> voir du commun <strong>de</strong>s hommes. Ainsi <strong>dans</strong> Château d’ombres : « <strong>Le</strong> parc est tout<br />

baigné <strong>de</strong> silence. <strong>Le</strong>s hommes ont coutume <strong>de</strong> dire : un silence <strong>de</strong> mort. Mais la vie aussi<br />

a son silence, et quelque part, peut-être, le silence est vivant » (CO, 311). <strong>Le</strong> lecteur lui<br />

aussi n’est plus tel qu’il était au départ. Dans un autre cas <strong>de</strong> figure, le héros suit, est ravi<br />

par l’être <strong>fantastique</strong>. Il part avec lui « très loin », disparaît <strong>dans</strong> l’ailleurs. Adalbert s’est<br />

éloigné ; sa disparition laisse une part <strong>de</strong> doute : « Certains se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ront s’il est allé<br />

vers d’autres amours ou s’il a rejoint un groupe <strong>de</strong> pèlerins russes ; d’autres, les plus<br />

nombreux, sans doute, penseront qu’il s’est perdu <strong>dans</strong> la forêt obscure d’où l’on ne sort<br />

pas, sinon par une certaine porte dont celui qui l’a franchie ne revient jamais » (ACF, 227-<br />

228). <strong>Le</strong> narrateur, même s’il laisse place au doute, ouvre un nouvel espace mal défini qui<br />

s’étend au-<strong>de</strong>là du visible.<br />

Il est possible enfin que le protagoniste s’en aille seul, et son départ, <strong>dans</strong><br />

L’Ombre d’un arbre mort, <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s Miroirs et les gouffres, est lié à la certitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> survivre<br />

au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la mort. <strong>Le</strong> prince dont nous parlait plus haut <strong>Marcel</strong> Schnei<strong>de</strong>r, s’enferme <strong>dans</strong><br />

une grotte souterraine, <strong>de</strong>scend <strong>dans</strong> un puits creusé à une époque très ancienne qui conduit<br />

<strong>dans</strong> un autre mon<strong>de</strong> :<br />

<strong>Le</strong> prince sut qu’il avait atteint son but, mais il ne pouvait <strong>de</strong>viner si sa vie s’achevait, ou si, au<br />

contraire, elle allait commencer. Il se jeta <strong>dans</strong> le vi<strong>de</strong>, et ce fut l’éther qui le reçut et l’apporta<br />

jusqu’au lieu, encore lointain et incertain, <strong>de</strong> sa résurrection. (MG, 182)<br />

Ce départ <strong>dans</strong> les contrées souterraines a les caractéristiques d’un envol. <strong>Le</strong><br />

roman n’est qu’un passage, un moment, un épiso<strong>de</strong> à l’intérieur d’un vaste mouvement qui<br />

se déroule jusqu’à l’infini.<br />

2. « L’être le plus intérieur ».<br />

<strong>Le</strong> lointain n’est pas uniquement spatial et temporel. Il concerne aussi l’intériorité<br />

humaine. « <strong>Le</strong> mon<strong>de</strong> extérieur est un aspect <strong>de</strong> notre être intérieur », disait le philosophe

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