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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

et qu’elle est à la fois immobilité et mouvement. Il s’agit d’une sorte <strong>de</strong> balancement<br />

pendulaire qui emmène tantôt vers le besoin <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong>, tantôt vers le désir d’être avec les<br />

autres, le repliement sur soi et l’ouverture au mon<strong>de</strong>.<br />

D’autre part, Goethe fait la distinction entre le démoniaque et le démonique. <strong>Le</strong><br />

démoniaque est un pouvoir souterrain, suspect, maléfique qui se cache <strong>de</strong>rrière <strong>de</strong>s<br />

masques et possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>s relents infernaux. Il s’agit d’une force qui tire vers le bas. <strong>Le</strong><br />

démonique est une puissance d’énergie active, créatrice qui conduit l’homme vers la<br />

réalisation <strong>de</strong> lui-même. En ce sens le démon <strong>de</strong> Goethe apparaît i<strong>de</strong>ntique au démon <strong>de</strong><br />

Socrate. <strong>Le</strong> philosophe et le poète lui attribuent la conduite <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> leur vie et <strong>de</strong>s<br />

mouvements <strong>de</strong> leurs pensées. Ce démonique n’a rien <strong>de</strong> commun avec les démons<br />

puisqu’il est l’incarnation <strong>de</strong>s virtualités <strong>de</strong> l’individu.<br />

Dans ce jeu <strong>de</strong> métamorphose intervient un principe féminin, ce que Goethe<br />

appelle, à la fin du second Faust l’ « Éternel féminin » 314 . Chaque femme aimée contribue<br />

à façonner un homme nouveau et le met au mon<strong>de</strong>. Dans sa biographie sur Goethe, <strong>Marcel</strong><br />

<strong>Brion</strong> insiste sur le fait que chaque femme aimée par Goethe, <strong>de</strong> Frédérique <strong>Brion</strong> jusqu’à<br />

Ulrike von <strong>Le</strong>vetzov, permet les naissances successives que le poète réussit à accomplir.<br />

Cette idée est largement reprise <strong>dans</strong> tout le Romantisme allemand, en particulier<br />

<strong>dans</strong> les romans <strong>de</strong> formation où les femmes représentent <strong>de</strong>s « paliers <strong>de</strong> l’ascension vers<br />

ce parfait accomplissement <strong>de</strong> soi » 315 . L’idée <strong>de</strong> métamorphose est associée au thème du<br />

voyage qui fait que, <strong>dans</strong> ces romans, l’être <strong>de</strong> l’arrivée n’est pas le même que l’être du<br />

départ. Dans cette perspective, le voyage n’est pas à prendre <strong>dans</strong> son sens rationnel et<br />

logique que lui attribue le siècle <strong>de</strong>s Lumières. Dans un sens classique, le voyage consiste<br />

à découvrir le mon<strong>de</strong> pour mieux en connaître la diversité. Il est alors le complément d’un<br />

enseignement pratique. Dans un sens plus romantique, valorisé à la fin du XVIII e siècle,<br />

voyager c’est se chercher soi-même en faisant <strong>de</strong>s expériences nouvelles, mieux percevoir<br />

ce que l’on est en s’installant <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s décors étrangers, et par conséquent entrer <strong>dans</strong> le<br />

jeu <strong>de</strong>s métamorphoses. <strong>Le</strong> roman raconte les différentes expériences à partir <strong>de</strong>squelles<br />

l’homme se fait, suit l’itinéraire d’un progrès spirituel. <strong>Le</strong> héros, souvent jeune, dont la<br />

personnalité reste à priori souple et malléable, est celui qui <strong>de</strong>vient, se transforme au gré<br />

<strong>de</strong>s circonstances.<br />

314 Cité <strong>dans</strong> Goethe, l’Âme du mon<strong>de</strong>, op. cit., p.182 : « <strong>Le</strong> périssable n’est que reflet ; L’inachevé ici<br />

s’achève ; L’inexprimable se réalise ; L’Éternel Féminin nous attire là-haut. »<br />

315 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, L’Allemagne romantique, le voyage initiatique, tome 2, op. cit., p.202. Parmi ces romans,<br />

nous pouvons citer <strong>Le</strong>s voyages <strong>de</strong> Franz Sternbald <strong>de</strong> Ludwig Tieck, Godwi <strong>de</strong> Brentano, Pressentiment et<br />

présence <strong>de</strong> Eichendorff, ou encore Henri d’Ofterdingen <strong>de</strong> Novalis.

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