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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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210<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

<strong>Le</strong> « centre » est (…) la zone du sacré par excellence, celle <strong>de</strong> la réalité absolue (…) La route<br />

menant au centre est une « route difficile » (…) ; pérégrination pleine <strong>de</strong> dangers (…) ; égarement<br />

<strong>dans</strong> le labyrinthe ; difficultés <strong>de</strong> celui qui cherche le chemin vers le soi, vers le « centre » <strong>de</strong> son<br />

être, etc. <strong>Le</strong> chemin est ardu, semé <strong>de</strong> périls, parce qu’il est, en fait, un rite <strong>de</strong> passage du profane<br />

au sacré ; <strong>de</strong> l’éphémère et <strong>de</strong> l’illusoire à la réalité et l’éternité ; <strong>de</strong> la mort à la vie, <strong>de</strong> l’homme à<br />

la divinité. L’accès au « centre » équivaut à une consécration, à une initiation. 372<br />

On aura reconnu ici tout l’enjeu d’un roman tel que Nous avons traversé la<br />

montagne. À cet espace particulier correspond un éternel présent. Des moments sont<br />

privilégiés, qui s’inscrivent <strong>dans</strong> une permanence : aube, heure <strong>de</strong> midi, crépuscule, nuit,<br />

mais aussi solstice, équinoxe, jours <strong>de</strong> fêtes rituelles, qui marquent le passage d’une saison<br />

à une autre. Cette temporalité particulière donne l’impression d’appartenir à un mon<strong>de</strong> très<br />

vaste. Participer à cet univers, c’est s’inscrire <strong>dans</strong> une communauté spirituelle plus que<br />

matérielle. « <strong>Le</strong>s mythes, affirme Berg <strong>dans</strong> Nous avons traversé la montagne, ont cette<br />

particularité, qui manque aux banales histoires <strong>de</strong>s hommes, <strong>de</strong> <strong>de</strong>meurer toujours<br />

vivants » (NATM, 27), et c’est lui qui <strong>de</strong> temps à autre est là pour rappeler tel ou tel<br />

avertissement : « Il y a toujours une porte quelque part » (NATM, 276).<br />

Grâce à cette fonction mythologique, le lecteur a l’impression d’appartenir à une<br />

histoire qui s’écrit <strong>de</strong>puis très longtemps, qui réunit une communauté <strong>de</strong> personnages qui<br />

commence bien en-<strong>de</strong>çà <strong>de</strong> la naissance et se prolonge au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la mort. <strong>Le</strong>s parentés<br />

sont sans limites, et le mon<strong>de</strong> <strong>dans</strong> lequel il entre est totalement ouvert <strong>dans</strong> la mesure où il<br />

tente <strong>de</strong> faire participer à tous les ordres possibles du temps et <strong>de</strong> l’espace.<br />

2. <strong>Le</strong> sourire <strong>de</strong> Perséphone.<br />

Adalbert s’enfonce donc <strong>dans</strong> la forêt, en compagnie <strong>de</strong> cette jeune femme<br />

rencontrée au concert. La forêt est un lieu capital pour <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, liée à une Allemagne<br />

idéalisée 373 . Elle est <strong>dans</strong> le roman De l’autre côté <strong>de</strong> la forêt en relation avec l’enfance<br />

d’Adalbert. Il a passé une partie <strong>de</strong> son enfance <strong>dans</strong> ces lieux où il revient, à la recherche<br />

<strong>de</strong> lui-même. Si l’on se place du point <strong>de</strong> vue mythologique, la forêt est d’abord un lieu <strong>de</strong><br />

solitu<strong>de</strong>, un espace solitaire par excellence, où il est possible d’accé<strong>de</strong>r à une sorte <strong>de</strong><br />

communion avec les formes du vivant, le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s arbres et <strong>de</strong>s animaux. La forêt est<br />

liée à l’origine, à l’image <strong>de</strong>s commencements. Contrairement au parc <strong>de</strong> Ba<strong>de</strong>n-Ba<strong>de</strong>n qui<br />

constitue un lieu-frontière, c’est un endroit pas ou peu touché par l’homme et échappe à<br />

372 Mircea Elia<strong>de</strong>, <strong>Le</strong> mythe <strong>de</strong> l’éternel retour, Paris, Gallimard, 1969, p.30-31.<br />

373 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> consacre le premier chapitre d’Art <strong>fantastique</strong>, op. cit., à la forêt.

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