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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

collectionneur d’algues, qu’entre le narrateur. <strong>Le</strong> lecteur sait assez tôt <strong>dans</strong> le roman qu’il a<br />

été « admis aux sous-sols les plus inférieurs <strong>de</strong> la maison d’Olovsen » (A, 22). Remarquons<br />

le verbe « admis » qui suppose une forme d’élection, et aussi l’utilisation du superlatif qui<br />

tend à sur-dimensionner, vers le bas cette fois-ci, la maison. Plus avant <strong>dans</strong> le roman, nous<br />

allons <strong>de</strong>scendre <strong>dans</strong> ces territoires.<br />

<strong>Le</strong> narrateur entre d’abord <strong>dans</strong> la chambre d’Olovsen, et le thème <strong>de</strong> l’initiation<br />

apparaît :<br />

La courtoisie un peu narquoise du vieil Olovsen m’accueillant à la porte <strong>de</strong> sa chambre – car il<br />

voulait dormir au milieu <strong>de</strong> sa collection d’algues –, son étonnement <strong>de</strong> me voir solliciter<br />

humblement l’initiation à ce qu’il appelait « la science majeure », comme si les algues<br />

constituaient le principe même <strong>de</strong> la vie, tout me revient en mémoire. (A, 44)<br />

Olovsen est heureux <strong>de</strong> pouvoir « initier un profane ». <strong>Le</strong>s prémisses d’initiation<br />

ont lieu <strong>dans</strong> un « <strong>de</strong>mi-jour » qui pâlit les couleurs, donne l’impression d’entrer <strong>dans</strong> un<br />

décor d’ « eau-forte » ou <strong>de</strong> « film expressionniste allemand » (A, 45). La maison du<br />

collectionneur d’algues possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés correspondant à <strong>de</strong>s seuils successifs. Elle<br />

comporte « sept niveaux <strong>de</strong> caves creusées <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s temps « immémoriaux » (A, 81). <strong>Le</strong><br />

chiffre sept donne à l’architecture <strong>de</strong> la maison une dimension particulière, magique. <strong>Le</strong><br />

lecteur remarque l’importance <strong>de</strong> l’escalier, axe reliant le mon<strong>de</strong> terrestre, quotidien au<br />

mon<strong>de</strong> souterrain. Cet escalier, « tournant », introduit la figure <strong>de</strong> la spirale proche <strong>de</strong> celle<br />

du labyrinthe. Il s’apparente aux escaliers piranésiens, à ce « mythe <strong>de</strong>s escaliers en<br />

spirale » dont parle Luzius Keller 405 . L’édifice s’organise <strong>dans</strong> le sens <strong>de</strong> la verticalité. Cet<br />

« étroit escalier tournant » <strong>de</strong>vient « à chaque palier plus glissant et plus resserré entre ses<br />

parois <strong>de</strong> roches dures » (A, 81), ce qui donne un sentiment <strong>de</strong> malaise et <strong>de</strong> danger. <strong>Le</strong><br />

narrateur, au fur et à mesure qu’il <strong>de</strong>scend, se coupe du mon<strong>de</strong> quotidien, pénètre <strong>dans</strong> une<br />

autre dimension, entre en relation avec <strong>de</strong>s mon<strong>de</strong>s anciens :<br />

(…) Je crus avoir pénétré <strong>dans</strong> une <strong>de</strong> ces grottes marines <strong>de</strong> la mer Tyrrhénienne où j’aimais,<br />

quelquefois, aller entendre d’étranges échos <strong>de</strong> voix qui me paraissaient divines. (A, 81-82)<br />

<strong>Le</strong>s pièces inférieures s’apparentent à la grotte comme lieu d’initiation. Nous<br />

sommes passés d’un espace urbain à un espace primitif non délimité, car les caves ne<br />

constituent qu’une partie d’un vaste ensemble <strong>de</strong> couloirs souterrains :<br />

(…) il y en avait beaucoup <strong>de</strong> semblables, me dit-il, creusant leurs couloirs <strong>dans</strong> le sol <strong>de</strong> l’île, qui<br />

reposait ainsi sur un fin treillis inextricable d’artères aquatiques (...) (A, 82)<br />

Nous avons donc une maison qui possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>s dimensions très particulières, joue<br />

le rôle <strong>de</strong> seuil <strong>dans</strong> le temps, en relation avec une mémoire très ancienne, et <strong>dans</strong> l’espace,<br />

405 Luzius Keller, Piranèse et les romantiques français, Paris, Corti, 1966.

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