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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

à l’homme la mission <strong>de</strong> l’entretenir et <strong>de</strong> la faire durer, ou si Dieu n’étant plus assez fort pour<br />

renouveler perpétuellement la chose créée, avait besoin <strong>de</strong> l’assistance <strong>de</strong>s hommes pour<br />

alimenter son œuvre et la perpétuer. (VS, 136)<br />

<strong>Le</strong> « Maître » place l’univers <strong>dans</strong> la perspective d’un âge d’or : « Si l’homme<br />

n’entretenait pas autour <strong>de</strong> lui une atmosphère d’égoïsme, d’abus, <strong>de</strong> violence et <strong>de</strong><br />

méchanceté, qui lui attire la méfiance et la juste révolte <strong>de</strong>s choses, l’âge d’or reviendrait<br />

sur terre » (VS, 138).<br />

<strong>Le</strong> mon<strong>de</strong>, composé d’un tissu, est le théâtre d’une opposition <strong>de</strong> forces :<br />

« C’était le moment du crépuscule où le jour et la nuit se rencontrent et se contemplent, un<br />

instant, avant <strong>de</strong> se jeter l’un sur l’autre pour se dévorer » (VS, 43). Dans ce système du<br />

mon<strong>de</strong>, l’homme possè<strong>de</strong> une responsabilité propre. C’est ce qu’indiquent les contes <strong>de</strong><br />

Bardouk lorsqu’ils racontent les liturgies auxquelles se livrent les « Fils <strong>de</strong>s Étoiles » :<br />

<strong>Le</strong> ciel a besoin <strong>de</strong> leur vin pour nourrir les étoiles qui périraient si les hommes ne les alimentaient<br />

pas. Elles feraient <strong>de</strong>s trous noirs <strong>dans</strong> le ciel, et il en tomberait <strong>de</strong>s métaux éteints (…). Ces<br />

hommes croient que la terre mourrait, s’ils ne lui apportaient pas cette offran<strong>de</strong> <strong>de</strong> lait <strong>de</strong> lune que<br />

le ciel leur a donné en échange <strong>de</strong> leur vin. (VS, 47)<br />

<strong>Le</strong> récit <strong>de</strong> Bardouk préfigure la catastrophe <strong>de</strong> la fin du roman, ce qui établit une<br />

relation entre l’univers <strong>de</strong> la fiction et celui qui est donné comme réel. <strong>Le</strong>s « Fils <strong>de</strong>s<br />

Étoiles », capables <strong>de</strong> comprendre les mystères, doivent entretenir la vie <strong>de</strong> l’univers, se<br />

livrant à <strong>de</strong>s cérémonies telles que celle qui est décrite <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Château <strong>de</strong> la princesse<br />

Ilse.<br />

Cette vision du mon<strong>de</strong> a <strong>de</strong>s conséquences sur le comportement du personnage<br />

brionien. Il est placé en position d’Homo religiosus, reconnaît la dignité <strong>de</strong> la nature et son<br />

caractère sacré, tel qu’il était affirmé par les religions antiques. <strong>Le</strong> héros a un rapport<br />

métaphysique avec les différentes composantes du milieu naturel. Il fait « amitié » avec la<br />

nature, et ce mot peut prendre <strong>de</strong>s sens différents. L’amitié désigne ce sentiment<br />

d’affection calme, raisonnable, partagé, par exemple, par les amis réunis <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s Vaines<br />

Montagnes : « Un seul lien les attache : leur amitié, renforcée par les souvenirs du collège,<br />

dont ils ont implicitement, mais d’un accord unanime, convenu <strong>de</strong> ne jamais parler » (VM,<br />

7). D’autre part cette amitié permet une véritable initiation. Elle est alors davantage un élan<br />

<strong>de</strong> fraternité qui permet <strong>de</strong> découvrir une parenté avec le mon<strong>de</strong>, et le passage à un autre<br />

état <strong>de</strong> l’être. Dans La Ville <strong>de</strong> sable, l’amitié transforme et transporte le narrateur,<br />

initialement archéologue, vers une autre conception du mon<strong>de</strong>. Cette amitié n’est pas<br />

seulement un élan vers d’autres personnes, elle se dirige vers les choses qui trouvent place<br />

<strong>dans</strong> l’intimité <strong>de</strong> la vie. Ces choses, haussées à la dignité d’êtres vivants, possè<strong>de</strong>nt la<br />

même valeur que la figure humaine. <strong>Le</strong>ur beauté et leur noblesse est sans cesse affirmée. Il

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