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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

gui<strong>de</strong> revient chez les hommes ordinaires : il n’est pas admis à accomplir l’expérience<br />

d’Adalbert qui poursuit son séjour et monte plus haut encore afin <strong>de</strong> poursuivre la<br />

métamorphose commencée.<br />

Dans un <strong>de</strong>uxième temps, l’être propre d’Adalbert est reconnu par les éléments<br />

du paysage, et par conséquent il y a inversion du regard. Adalbert reste <strong>dans</strong> ces contrées<br />

« aussi longtemps que le lac le voudrait ». Il s’en remet à ce paysage <strong>de</strong> montagne qui a le<br />

pouvoir <strong>de</strong> « déci<strong>de</strong>r <strong>de</strong> ses actes », est « toléré » par les éléments (ACF, 58) : « Ils<br />

acceptaient qu’il se promenât au bord du lac, <strong>dans</strong> la forêt et parmi les rochers abandonnés<br />

par les glaciers et par les avalanches » (ACF, 58). <strong>Le</strong>s éléments, capables <strong>de</strong> langage, lui<br />

adressent un appel dont la provenance <strong>de</strong>meure ambiguë, « un irrésistible appel, venu <strong>de</strong><br />

lui-même ou <strong>de</strong>s choses » (ACF, 62). Adalbert est la proie d’une sorte d’enchantement,<br />

d’incantation qui le rend autre. Symboliquement, il s’est éloigné du chemin premier et<br />

évolue désormais <strong>dans</strong> un espace où il n’y a plus <strong>de</strong> chemin.<br />

<strong>Le</strong> cheminement d’Adalbert est enfin <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> la révélation. Un<br />

« événement » in<strong>de</strong>scriptible, indéchiffrable survient, et cet événement, comme c’est si<br />

souvent le cas <strong>dans</strong> le <strong>fantastique</strong>, est à la mesure <strong>de</strong> l’être concerné. <strong>Le</strong> gui<strong>de</strong>, reparti,<br />

<strong>de</strong>meure aveugle aux appels confusément formulés par le paysage. Adalbert au contraire<br />

est <strong>dans</strong> une attention vive, <strong>dans</strong> la tension <strong>de</strong> son être profond, et le paysage lui offre une<br />

double révélation. <strong>Le</strong> mon<strong>de</strong> surnaturel se manifeste : c’est la rencontre d’un animal<br />

fabuleux qui, à la faveur <strong>de</strong> l’obscurité, <strong>de</strong>meure invisible, mais est révélé par les<br />

sensations : « (…) il avait senti, soudain, à côté <strong>de</strong> lui, au niveau <strong>de</strong> son épaule, une<br />

respiration calme, un souffle humi<strong>de</strong> et chaud » (ACF, 62-63). Cet animal <strong>de</strong>vient un<br />

« compagnon » qui se met en marche au même rythme que lui, est désigné comme<br />

« compagnon <strong>de</strong> route », traduction du terme Doppelgänger, si bien que le lecteur peut<br />

voir <strong>dans</strong> l’apparition <strong>de</strong> cet animal l’intervention fugitive d’un double. Ce compagnon<br />

« ajustait ses pas aux siens, s’arrêtant quand l’homme hésitait avant <strong>de</strong> poser le pied, et se<br />

remettait en marche au même rythme que lui » (ACF, 63). Cette présence semble<br />

incertaine, ambiguë, mais le texte penche vers l’affirmation d’une expérience <strong>fantastique</strong>,<br />

en particulier en utilisant le conditionnel passé : « La présence <strong>de</strong> ce compagnon <strong>de</strong> route<br />

aurait pu passer pour une illusion <strong>de</strong> l’imagination ».<br />

L’autre révélation concerne Adalbert lui-même. <strong>Le</strong> lecteur remarque l’utilisation<br />

du champ lexical <strong>de</strong> la transformation :<br />

<strong>Le</strong> mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s éléments <strong>dans</strong> lequel Adalbert von A. était entré, invité par eux, le transformait à<br />

son insu. S’il avait eu conscience <strong>de</strong> ce qui se passait en lui <strong>dans</strong> un domaine profond où ses

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